C’était la surprise du chef, et il ne veut surtout pas que ce soit celle du shérif. Lundi soir, vers 22h15, Xavier Bonnefont a surpris tout son monde en annonçantl’armement prochain de la police municipale d’Angoulême en «armes létales». Des armes à feu, avec des vraies balles, en l’espèce des Manurhin qui seront utilisés avec des munitions de calibre 38 spécial. Les Manurhin, c’est l’ancien modèle qui équipait la police nationale.
Politiquement, le maire d’Angoulême joue sur du velours. Catherine Perez, élue d’opposition, a «salué» la décision «à titre individuel». Mieux, le maire UMP d’Angoulême a la caution et les encouragements de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur socialiste.
Ce dernier vient de publier une circulaire proposant de doter de «4.000 Manhurin»les policiers municipaux des communes qui en feraient la demande. Et gare aux préfets qui renâcleraient à l’appliquer. Dans une instruction du 29 mai, Bernard Cazeneuve tance les préfets qui traînent des pieds pour armer les policiers municipaux.
Avec l’onction du ministre de l’Intérieur, Xavier Bonnefont a un sacré gilet pare-balles et peut même se dédouaner d’un virage sécuritaire l’ayant amené à lancer l’installation de 27 caméras de vidéosurveillance en ville, à augmenter les effectifs de sa police de 20% puis à armer ses fonctionnaires. Caméras et armes sont en effet fortement subventionnées et encouragées par l’Etat.
La dotation en Manurhin payés par l’État est conditionnée à une convention d’équipement signée entre la police et la Ville. Cette dernière sera signée vendredi et donnera lieu, dans la foulée, à une conférence de presse du préfet. En attendant, c’est motus et bouche cousue du côté des élus angoumoisins.
Périgueux et Barbezieux
ont franchi le pas
Il apparaît toutefois, que les 21 policiers angoumoisins seront formés à partir du dernier trimestre 2015, en trois ou quatre vagues. Ils passeront donc tous la formation indispensable à la détention d’une arme. Les armes seront mises à leur disposition cinq ans. Mais l’autorisation est révocable à tout moment.
Dès les premiers mois de 2016, les agents angoumoisins arpenteront donc la voie publique avec un revolver à la ceinture. «L’idée, c’est de montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir, argumentait lundi soir Joël Guitton, l’adjoint chargé de la sécurité. Ces armes ne devront être utilisées que dans le cadre de la légitime défense.»
Avec cette dotation, Angoulême sera une quasi-anomalie dans le paysage régional. Ni Poitiers, ni Châtellerault, ni La Rochelle, ni Saintes n’ont armé leur police municipale. À Bordeaux, Alain Juppé, auquel se réfère souvent Xavier Bonnefont, ne veut pas en entendre parler. Pour lui, pas question de donner d’armes à feu à ses agents. S’il a récemment eu une réunion sécurité avec la préfecture de la Gironde, ce n’était que pour les équiper de Taser. Rien de plus. Il n’y a guère que Périgueux à avoir fait le pas dès 2005, à l’initiative de l’ancien ministre Xavier Darcos. Et Barbezieux: René Vignerie a décidé d’armer ses hommes en 2013.
Si 45% des policiers municipaux français sont armés, l’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux rêve de voir ce chiffre augmenter. Le syndicat a d’ailleurs tenu mardi à féliciter Xavier Bonnefont «pour sa décision d’armer d’armes à feu, les policiers municipaux d’Angoulême. Cela démontre un pragmatisme certain face à la recrudescence de la violence et des risques auxquels ils sont confrontés quotidiennement. (…) Nous souhaitons que cette mesure fasse des émules.»