16 – ANGOULÊME : SÉCURITÉ: LES CAMÉRAS À L’AFFÛT DE NOS FAITS ET GESTES
Il va falloir s’y faire: à Angoulême, des caméras scrutent tout le monde partout sur la voie publique. Mis en place il y a neuf mois, le dispositif porte ses fruits, estime la Ville. Premier bilan.
Il faut entrer dans la salle de contrôle de la police municipale, à Angoulême, pour en prendre vraiment la mesure: où que l’on soit désormais, dans l’hypercentre, des caméras scrutent nos moindres mouvements, enregistrent chacun de nos faits et gestes.
Neuf mois après avoir mis en place la vidéoprotection (28dômes discrets répartis, lire encadré), la municipalité a accepté hier de recevoir une poignée de privilégiés pour découvrir «un lieu où vous n’avez en principe par le droit de vous trouver», selon les mots de Joël Guitton, adjoint au maire chargé de la sécurité.
Les chiffres
28 caméras scrutent l’hypercentre d’Angoulême et quelques sites choisis: 12 dômes sur la partie la plus urbaine de la ville, capables de pivoter à 360degrés, 15fixes dont 9 installés au sommet de bâtiments communaux et centres sociaux plus 1 caméra nomade. Si les MJCBel-Air – La Grand-Font, Louis-Aragon et Rives-de-Charente sont déjà équipées, celles de Basseau et de La Grande-Garenne, en construction, le seront bientôt.
Les images enregistrées à Angoulême sont conservées 30jours. Passé ce délai, elles sont automatiquement effacées.
4 élus et agents de la municipalité d’Angoulême sont habilités à consulter ces images: Xavier Bonnefont, le maire, Antoine Truffaux, son directeur de cabinet, Olivier Billy, le chef de la police municipale et Anne-Laure Maubert, chargée de mission prévention, solidarité et tranquillité publique. Joël Guitton, maire adjoint chargé de la sécurité n’est pas dans la short-list.
Le dispositif a coûté 211 000 €, dont 53 000 € payés par l’Etat. La municipalité d’Angoulême ne prévoit pas d’acheter d’autres caméras.
Sur le grand écran accroché au mur, une mosaïque d’images, comme autant d’yeux braqués sur Angoulême. On découvre comment la caméra perchée au sommet du mât planté place de l’Hôtel-de-Ville, est capable de balayer un large périmètre. En quelques secondes, elle explore la rue des Postes en direction du tribunal, inspecte toute la façade du Château, puis offre une vue plongeante sur la rue Hergé.
Une autre, amarrée sur le toit des Halles, s’attarde sur le boulevard Pasteur. D’un coup de joystick, le policier zoome sur un passant posté devant l’Espace Franquin. La netteté est déconcertante.
«De la gare au Champ-de-Mars, de Victor-Hugo à la place Francis-Louvel, en passant par la rue de Genève, nous avons mis en place un réseau complet»,s’enorgueillit Joël Guitton, soucieux de montrer que sur les écrans, seule la voie publique est filmée: grâce à la magie de l’informatique, les espaces privés, tels les vues sur les fenêtres des appartements, sont recouverts de rectangles blancs générés automatiquement par un logiciel dès que la caméra les survole.
Les résultats concrets au terme des neuf premiers mois ? «Pour ce qui est de l’effet dissuasif [NDLR: l’une des ambitions affichées par la Ville quand elle a fait le choix de la vidéoprotection], impossible de le mesurer», considère le Monsieur sécurité d’Angoulême. Ce qui est quantifiable en revanche, c’est le nombre de réquisitions du procureur de la République, habilité à demander les enregistrements lors des enquêtes. «Huit requêtes distinctes et une trentaine d’extractions d’images réclamées», détaille Olivier Billy, le chef de la police municipale.
Dans le lot, deux affaires significatives. 18mai dernier, trois Sojaldiciens boivent des coups dans un bar du Champ-de-Mars. A leurs côtés, un jeune schizophrène assommé par son traitement. Ils profitent de son état de faiblesse pour lui faire les poches, puis se déchaînent: gifles, coups de poing. Tabassage capté par la caméra à l’insu des agresseurs. «Grâce à nos images, la BAC [Brigade anticriminalité] n’a pas mis longtemps à les arrêter.» Dix mois ferme pour le plus virulent.
L’autre histoire résolue en deux temps trois mouvements de caméras remonte au 29octobre. Un individu casse la vitre d’un bus STGA et vocifère, semant la terreur autour de lui. «Il a été très surpris: un officier de police judiciaire l’a arrêté à l’arrêt suivant. Temps d’intervention: 11minutes», se félicite Olivier Billy.
A l’épreuve du terrain, poursuit le chef de la police, le dispositif a aussi fait ses preuves dans la gestion quotidienne. «Quand nous sommes avertis d’une bagarre, par exemple, on regarde d’abord les images. Ça nous évite de partir pour rien si tout est terminé. Et de mesurer l’importance des faits avant d’envoyer les hommes.» Manière d’évaluer en amont si les municipaux ont besoin du renfort des nationaux.
Pour Joël Guitton, l’intérêt de l’outil a aussi été démontré lors des «mouvements de foule»: les manifestations contre la loi travail au départ de la gare, la mise en place de la fan zone au Champ-de-Mars pendant l’Euro. Les 300fans de Pokémon qui ont lancé, hier soir dans l’hypercentre, leur chasse aux bestioles imaginaires (lire en page 10), ne savaient sans doute pas que leur déambulation était enregistrée.
Les limites de la vidéoprotection en place à Angoulême ? Peut-être le choix, assumé «pour des raisons budgétaires», dit Joël Guitton, de ne pas s’engager dans la «vidéosurveillance», à l’image de grandes villes comme Nice, dont le dispositif a fait couler beaucoup d’encre après l’attentat de la Promenade des Anglais.
La différence: en Charente, pas de policiers en faction derrière l’écran 24heures sur 24h et pas d’obligation pour eux de garder les yeux rivés sur les images quand ils travaillent. «Leur priorité, c’est de gérer les interventions.» Et quand vient l’heure de débaucher pour les municipaux, «ils passent la main aux nationaux, équipés de leur propre matériel, prêts à prendre le relais», explique Joël Guitton.
source : http://www.charentelibre.fr/2016/07/28/securite-les-cameras-a-l-affut-de-nos-faits-et-gestes,3048757.php