354 caméras : à Toulouse, vous êtes sous surveillance
«Attention, on zoome sur la rue Alsace Lorraine, on nous signale une rixe avec un couteau au niveau du 34», prévient le chef de salle. Tous les opérateurs sont sur le qui-vive et prennent alors le contrôle des caméras de surveillance du quartier pour tenter de trouver le ou les suspects. À l’aide de la souris et du clavier de leur ordinateur, les policiers municipaux font tourner les caméras à 360 degrés pour balayer la rue d’un regard. Focus sur le visage des passants. «RAS sur les écrans, mais on va envoyer des hommes pour vérifier», annonce un des responsables.
Les Toulousains ne le savent peut-être pas, mais ils sont sous le feu des projecteurs 24 heures sur 24. Leurs faits et gestes sont retransmis en direct sur les écrans du PC sécurité, lui-même caché dans une petite rue du quartier Saint-Cyprien. En passant la porte de ce bâtiment, impossible d’imaginer la suite. Derrière une seconde porte sécurisée, se trouve le véritable cœur de la sécurité toulousaine. Une salle rythmée par les 108 écrans d’ordinateurs fixés au mur. «Trente-cinq opérateurs tournent sur ces postes, chacun y passe huit heures par jour. Ils surveillent secteur par secteur la ville et repèrent les faits de délinquance grave, les incivilités et même les enfants perdues, ça arrive plusieurs fois par semaine», explique Olivier Arsac, l’adjoint au maire en charge de la sécurité.
Le rôle clé du PC radio
L’œil affûté, ces fonctionnaires passent d’une caméra à l’autre, d’un quartier au suivant pour scruter les attitudes, guider les forces de l’ordre lors d’une intervention. Bingo ! Florent*, un des opérateurs aperçoit un individu suspect. Il remonte l’information au PC radio qui averti ses hommes de terrain. «Un trentenaire au comportement louche est stationné au square Charles-de-Gaulle, je le vois sortir des sacoches en cuir de son scooter et les proposer à des passants. Il faut envoyer une équipe à sa rencontre», annonce un chef de salle.
En trois minutes, les policiers apparaissent sous la caméra. En vain, l’individu ne fait finalement rien d’illégal… «Le plus souvent, la vidéo permet de repérer des pickpockets, des voleurs de vélos ou les auteurs d’une agression physique», témoignent les fonctionnaires municipaux. La caméra entraîne aussi les contrôles d’identité inopinés lorsque l’attitude d’un badaud intrigue les opérateurs. «Cela nous permet parfois de retrouver des délinquants recherchés», appuie Olivier Arsac.
Depuis quatre ans, le quotidien de ces fonctionnaires a bien changé à Toulouse ; 354 caméras de surveillance ont fleuri au cœur de la Ville rose et dans certains quartiers dits «sensibles», comme le Mirail ou les Izards. «Nous sommes partis de rien. Par rapport à 2014, c’est une révolution. À l’époque, seule une vingtaine de dispositifs était installée. C’était la préhistoire ! Grâce à nous, le PC sécurité est devenu une tour de contrôle», rappelle l’élu municipal.
Son service vidéo est bien organisé. Derrière les opérateurs se trouve un PC radio qui centralise tous les appels provenant d’Allo-Toulouse, «on reçoit aussi les rapports des collègues qui surveillent les écrans. Ils nous signalent les problèmes par une fiche». Toutes ces annotations sont immédiatement géolocalisées sur une carte interactive. «Ici en bleu ce sont les plaintes des administrés. En rouge, les observations des opérateurs écrans, et là on suit les mouvements de nos agents», détaille un chef de salle en tendant sa main vers la carte. «Les vidéosurveillances sont conservées trente jours maximum, sauf si les policiers les réquisitionnent pour une affaire», souligne Olivier Arsac.
Deux interpellations par jour
Pour se procurer cette armada technologique, la municipalité toulousaine n’a pas hésité à investir la bagatelle de 8 millions d’euros. À cela s’ajoute le recrutement d’hommes de terrain. Avec 330 policiers municipaux, les effectifs n’ont jamais été aussi complets. «Pour une métropole comme la nôtre, c’était évidemment nécessaire. Nous avons enfin rattrapé notre retard sur les autres. Aujourd’hui on ne peut plus s’en passer», analyse l’adjoint de Jean-Luc Moudenc.
Les données chiffrées parlent pour lui : 500 interventions par mois sont déclenchées grâce à ces caméras, donnant lieu, en moyenne, à 60 interpellations. «On est à deux arrestations par jour. Les événements graves ne restent plus impunis, les auteurs sont interceptés», se réjouit-il. Souriez, vous êtes filmés !
* Le prénom a été modifié
Verbalisation à distance
Pour se procurer cette armada technologique, la municipalité toulousaine n’a pas hésité à investir la bagatelle de 8 M€. À cela s’ajoute le recrutement de 330 policiers municipaux
Plus besoin d’interpeller les conducteurs pour les verbaliser. Les opérateurs du PC de vidéoprotection de Saint-Cyprien peuvent verbaliser, à distance, les stationnements interdits (17 € d’amende), gênants (35 €) et très gênants (135 €).
Les voitures garées sur les trottoirs, sur les places livraisons, les pistes cyclables, les sorties de garage, les plateaux piétonniers sont dans le viseur. L’opérateur remplit un formulaire informatique avec l’immatriculation, la nature de l’infraction et l’adresse.
En un clic, c’est envoyé au centre de traitement des infractions de Rennes. Quelques jours plus tard, le propriétaire recevra une amende de 35 € par courrier.
La surveillance s’opère 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.