57 – Metz : la petite voix des bornes automatiques
Outre le fait de réguler l’accès au centre-ville, les 45 bornes plantées en gardiennes du plateau piétonnier du centre-ville ont un don : la parole. Et puis aussi des yeux pour enregistrer un quotidien insolite.
V ous pouvez me descendre la b…, euh la borne. » Mais bien sûr. Les petites voix des bornes rigolent encore de cette maladresse depuis leur pupitre au PC de la police municipale messine. En civil, elles se relaient à la lecture des écrans où se concentrent les images des caméras de surveillance de la ville. Certaines regardent justement ces cylindres métalliques, ces sentinelles du plateau piétonnier plus impassibles que des gardes de la reine d’Angleterre. Il faut dépasser leur apparente froideur. Ils sont même bavards. « C’est le poteau qui vous parle », disent-ils (vraiment) pour éviter le tournis au piéton étourdi par son énième tour sans avoir repéré le bouton d’appel.
Quelques gamins se sont déjà fait choper par l’œil électronique en plein jeu. Chevaucher ou grimper sur ces machins qui montent et descendent est super marrant. Jusqu’à ce que le poteau se rebiffe et ordonne : « Descends de là, c’est pas un jouet ! » La petite voix, soudainement comminatoire. Maternelles et un tantinet autoritaires avec les mômes, les mêmes dames se font bienveillantes en entendant venir de la borne Fabert : « Bonjour, je viens chez vous. Je vous ai réservé la chambre X au 2e étage ». Elles savent, sans erreur possible, que c’est un touriste. Et même un client du Grand Hôtel de Metz qui pensait obtenir la réception de la rue des Clercs. Il est doucement guidé vers le bon endroit.
Et crac…
Le contact est parfois bien plus rude. Carrément brutal avec le métal que des véhicules embrassent trop vite. Une intimité dont les caméras ne loupent aucun détail. La police municipale détient un collector capable d’alimenter un bêtisier de fin d’année. Les images y sont d’autant plus impressionnantes qu’elles sont garanties sans trucage. Difficile de retenir une marque d’étonnement à la vue de cette voiture, séchée sur place, empalée sur la borne d’entrée dans la rue Serpenoise en train de se relever. Le conducteur a cru avoir le temps de passer dans la roue du véhicule le précédant. Mauvais calcul ou manque d’attention. Les enregistrements servent souvent à préciser ces erreurs d’appréciation quand les automobilistes sont persuadés d’avoir vu clignoter le signal orange autorisant l’accès. Le petit feu de la borne était passé au rouge fixe depuis la première seconde de la remontée. La mésaventure fracassante se solde par un séjour chez le carrossier pour redresser un avant défoncé ou chez le mécanicien pour réparer un bas moteur arraché. Et elle ne s’abat pas seulement sur les étrangers au quartier. Les habitués en paient aussi les frais. « Les gens sont distraits. Téléphone sur l’oreille, ils demandent l’ouverture, mais reprennent le volant sans vérifier la position », constate une des « voix ». Et crac.
Sources de déboires, ces fichus « poteaux » servent aussi de point d’alerte. Un jour de visite du maire et du procureur au PC municipal, un adolescent presse le bouton, rue Dupont-des-Loges, pour avertir de l’accident de son père tombé d’un échafaudage En-Chaplerue. Un réflexe que la ville encourage.
Soufflez dans le micro
Il en est un autre plus imprévu : l’utilisation des bornes comme alternative à la solitude. Pas de téléphone sous la main, mais une énorme envie de parler, une personne âgée appelle. Pas de voiture. Elle est à pied avec sa solitude pour seule « passagère ». « Vous ne m’avez pas vue hier, j’étais à Cannes. » Euh…
Ah, pour bien se faire entendre les jours de pluie, les petites voix de la borne livrent un petit conseil… Selon l’orientation, les gouttes s’accumulent, bouchent le micro et donnent un accent texan incompréhensible à la conversation. Pour rétablir la qualité du son, il suffit de… souffler dans le micro et d’y glisser un petit bonjour.
« Descends de là, c’est pas un jouet ! » Les bornes sont autoritaires avec les enfants.