Difficile de ne pas la remarquer. Avec sa crosse couleur jaune pétant, bien visible dans son étui noir, la nouvelle arme des policiers municipaux d’Abbeville ne passe pas inaperçue. Il s’agit d’un pistolet à impulsion électrique (PIE), plus connu sous le nom de la marque Taser : une arme dite non létale (censée ne pas tuer). Trois de ces PIE sont venus compléter, voici quelques semaines, l’équipement de sécurité des 11 gardiens abbevillois, qui disposent déjà de gilets pare-balles, de bombes à gaz incapacitant et de bâtons de défense. Les quatre agents de surveillance de la voie publique (ASVP), eux, n’ont réglementairement pas le droit d’être armés.
Formation de cinq jours
« Trois pistolets, c’est un nombre suffisant, explique Luc Hénot, chef de la police municipale.L’idée est d’en avoir un par patrouille, car il est interdit de sortir seul avec un Taser. En cas d’utilisation, le 2e agent doit pouvoir, dans la mesure du possible, rattraper l’individu touché, avant qu’il tombe. Il doit ensuite s’en occuper. »
Tous les policiers ont obtenu un permis de port d’arme de la préfecture. Ils ont suivi une formation de cinq jours, à la fois juridique et pratique, sur l’utilisation de cette arme, qui est très réglementée. Elle ne peut intervenir que dans le strict cadre de la légitime défense, si l’agent ou un tiers est directement menacé. Au moment du tir, le pistolet projette deux piques métalliques reliés par un fil de cuivre, qui provoquent une puissante décharge électrique. Celle-ci bloque le système neuro-musculaire et paralyse ainsi momentanément la personne touchée. Même si celle-ci porte des vêtements épais, voire un gilet pare-balles, précise Luc Hénot. La distance approche les dix mètres. Le PIE peut être aussi utilisé au contact, comme une matraque électrique.
« J’espère que nous n’aurons jamais à nous en servir, mais on n’est pas l’abri. Pour les agents, c’est plus rassurant », confie le chef. Il insiste surtout sur l’effet dissuasif du Taser. La visée laser peut impressionner. Ces PIE sont également équipés d’une caméra vidéo, qui filme et enregistre dès que le cran de sûreté est enlevé. « C’est une obligation, inscrite dans les textes, note Luc Hénot. Et c’est une bonne chose d’avoir des images. Cela protège l’agent qui aura utilisé son Taser. De plus, face à un groupe par exemple, cela peut apaiser les tensions de savoir que tout est filmé. » Toutefois, ces images ne pourront être visionnées que par un officier de police judiciaire, sur réquisition du Parquet.
La décision d’acheter ces PIE avait été prise le 1er juin dernier par le conseil municipal, à la majorité des élus, le groupe communiste s’étant abstenu.
Le débat sur l’armement avait été relancé ces dernières années suite à des faits divers tragiques. Luc Hénot, chef de la police municipale, évoque aussi des confrontations parfois difficiles : « On peut être appelé pour un différend familial et être accueilli au fusil de chasse. » Également responsable syndical CFTC, il avait demandé à ce titre, des armes à feu. Il estime toutefois que le Taser est une bonne alternative. « Pour nous, c’est une avancée importante dans la dotation d’équipement de la police municipale. »
Un bon compromis
Le maire, Nicolas Dumont (PS), confirme. Il rappelle qu’il avait engagé des discussions sur le sujet, car « les policiers municipaux mènent des actions conjointes avec les policiers nationaux, et qu’ils sont exposés de la même façon ». Restait à établir le niveau d’armement. « Cette collaboration entre les deux polices est exemplaire à Abbeville, mais l’armement risquait d’entretenir la confusion. Il ne faut pas mélanger les missions, le rôle de la police municipale n’est pas d’intervenir seule sur des événements dangereux. » Pour lui, le Taser est donc « un bon compromis entre la protection des agents et celle de la population ».
XAVIER TOGNI