83 – Le maire de Sanary désarme sa police et attaque le préfet
Depuis quelques semaines, les policiers municipaux de Sanary doivent se sentir plus légers… au sens strictement propre du terme. Car leur moral doit, lui, se situer plutôt au niveau des chaussettes : envolé l’attirail qu’ils arborent habituellement à la ceinture. Tonfa (matraque à poignée) et aérosol lacrymogène sont visiblement confinés au vestiaire.
Mais quelle peut être la raison de cette « disparition » que certains jugent d’autant plus « inquiétante » que le plan Vigipirate est actuellement en vigueur ? Du côté des principaux intéressés, au poste de la rue Robert-Schuman, c’est silence radio.
« Les gars n’osent pas se plaindre »
Mais de nombreux témoignages font, depuis plusieurs semaines maintenant, état d’une rumeur insistante, plutôt surprenante : il s’agirait d’une sanction prise par le maire, Ferdinand Bernhard, suite à un incident survenu lors d’un précédent conseil municipal: il avait ordonné l’évacuation de deux de ses opposants (Olivier Thomas et Cécilia Papadacci) qui, selon lui, troublaient la sérénité des débats.
Mais devant le refus et le calme affichés par ces derniers, les fonctionnaires n’avaient pas appliqué la réquisition du premier magistrat. Le reste de la séance versait dans le surréalisme puisque, pendant une heure et demie de suspension, se sont succédé policiers nationaux, officiers, le commissaire… Même le préfet avait été alerté.
En vain: le trouble à l’ordre public n’étant pas avéré, les deux opposants étaient restés jusqu’à la fin. Le maire, piqué au vif, faisant comme s’ils n’y étaient plus, les avait simplement ignorés. Mais il n’avait pas dit son dernier mot (lire ci-contre).
Un ancien policier municipal de Sanary, souhaitant rester anonyme et parti car il ne « supportait plus de travailler sous les ordres de M. Bernhard », explique être toujours en contact avec d’anciens collègues: « Aujourd’hui, les gars n’osent pas se plaindre, par peur de nouvelles sanctions, peut-être même financières. Déjà qu’on n’est pas très bien payé à Sanary ».
Il assure aussi qu’un syndicat est informé de la situation, mais que ses responsables attendraient le feu vert des policiers sanaryens pour monter au créneau. Nous avons tenté de les contacter, sans réponse.
« Ce n’est qu’un début ! »
Ferdinand Bernhard, joint par téléphone a, quant à lui, accepté de nous éclairer. « Oui, c’est une sanction. Et ce n’est que le début ! » Bigre ! Et l’épisode dudit conseil municipal ne représenterait en fait qu’un grief parmi tant d’autres « Quand les policiers municipaux de Sanary commenceront à respecter les arrêtés du maire et cesseront de jouer les cow-boys, on en reparlera ! Ils n’en foutent pas une ! »
Visiblement très remonté, il ne manque pas d’arguments:
« Les Sanaryens ont pour principales préoccupations le bruit, les stationnements gênants et la propreté. Quand quelqu’un se gare mal et qu’il se fait verbaliser une fois ou deux, généralement il comprend. Mais encore faut-il que les policiers s’y attellent. Autre exemple: quand des gens se plaignent qu’un jeune à deux-roues fait un boucan d’enfer et que je demande qu’il soit verbalisé, je ne supporte pas d’apprendre que ça n’a pas été fait, au prétexte que le pot (d’échappement de l’engin, Ndlr) est d’origine. Si le contrevenant veut contester, il n’a qu’à aller au tribunal. En attendant, les policiers doivent exécuter les ordres ! »
Sanary, une petite ville tranquille ? Pas pour tout le monde…
Le préfet aussi dans le collimateur
Pour le maire, le fameux conseil municipal de décembre dernier n’est pas, à proprement parler, le motif originel de son courroux et des conséquences que l’on connaît. Même si…
« Ce jour-là, ils n’ont pas exécuté mon ordre de sortir les conseillers, c’est une chose. Mais ce qui m’a vraiment énervé, c’est quand j’ai appris, plus tard, qu’ils avaient demandé à un délégué syndical s’ils devaient le faire ou pas. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Or, la réalité, c’est que lorsque le maire, qui a le pouvoir de police au sein du conseil municipal, prend une réquisition, ils se doivent de l’appliquer. S’ils commettent une faute, c’est moi le responsable, et c’est moi seul qui devrais m’en expliquer devant le tribunal administratif. »
Une réflexion en amenant une autre, il annonçait avoir d’ailleurs « déféré le préfet » devant cette instance. La plus haute autorité du Var, alertée de la situation lors de cette étrange séance, avait alors tranché, et décidé que, le trouble à l’ordre public n’étant pas avéré, il n’y avait pas lieu d’évacuer les opposants.
C’est pourquoi, selon la même démonstration expliquée plus haut (le pouvoir de police absolu), Ferdinand Bernhard attaque le préfet en justice, estimant, encore une fois, que ce dernier n’avait pas à intervenir dans une décision dont il doit prendre seul, et légalement selon lui, toute la responsabilité. Et ce, sans que quiconque, sur l’instant, ne préjuge de la raison.
« Je compte me rendre personnellement à l’audience (dont la date n’est pas encore connue) pour m’en expliquer », a-t-il précisé. Le préfet a fait savoir qu’ « une procédure étant en cours », il ne souhaitait faire « aucun commentaire ».
source : http://www.varmatin.com/politique/le-maire-de-sanary-desarme-sa-police-et-attaque-le-prefet.2150265.html