Le consentement libre et éclairé d’une fillette de 11 ans face à un homme de 28 ans
Peut-on dire qu’il y a eu une relation sexuelle librement consentie entre une enfant de 11 ans et un homme de 28 ans ?
C’est un peu ce que tous comptes faits emblent dire les magistrats et les policiers de Pontoise ayant eu jusqu’à présent à connaître de ce qui est survenue à la petite Sarah qui, sur le chemin de l’école, croisant une nouvelle fois, un homme l’a suivi jusqu’à chez lui où il l’a amenée à lui faire des fellations avant de la pénétrer. Sarah n’a pas subie de violences ou n’a pas été menacée de violences pour ces actes sexuels.
Le parquet relevant l’absence de violences physiques sur la fillette en déduit qu’il n’y a pas eu viol, ni agression sexuelle, mais atteinte sexuelle à mineur.
Rappelons les trois infractions qui dans cette matière peuvent être retenues.
Le viol s’entend de « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » (Art. 222-23 CP), la fellation étant en soi un acte de pénétration. Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle, 20 ans avec circonstance aggravante
L’agression ensuite qui consiste en « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. « (art. 222-22° CP). Elle punit à la base de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende plus en cas de circonstance aggravante dont la minorité de la victime
L’atteinte sexuelle enfin qui se définit comme le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans (Article 227-25 CP). Elle est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, 7 ans si la victime est mineure. A la différence du viol qui peut être le fait d’une personne mineure, il faut que l’auteur soit majeur ; donc pas d’atteinte sexuelle entre personne de moins de 18 ans.
Dans tous les cas, l’âge de la victime est une circonstance aggravante ainsi que le rapport d’autorité pouvant exister de l’un sur l’autre.
La description de ce qui est survenu à Sarah et de la réaction des institutions donnée par Médiapart de ce jour suscite immédiatement la révulsion et c’est le moins qu’on puisse dire interpelle.
On peut entendre que l’absence de résistance ni même d’expression formelle d’un refus interpelle. On avancera ici comme souvent, et à juste titre, que dans cette relation homme-femme que la femme est dans un état de sidération qui annihile ses capacités à résister explicitement. Elle est tétanisée ; elle a peur non seulement de ce qu’elle vit mais de ce qu’elle pourrait vivre qui plus est comme en l’espèce d’un inconnu.
Admettons qu’on retienne pas ce refus intériorisé. Peut-on déduire que cette fillette a en l’espèce donné son consentement à cette relation comme le plaide déjà l’avocat du prévenu sur les antennes. Elle sera donc partie le matin pour avoir une relation sexuelle à cet inconnu ou même avec tous autre – sa première relation sexuelle – sachant que la loi n’interdit pas à un enfant quel que soit son âge d’avoir des relations sexuelles avec des partenaires consentants. Les élucubrations doivent supporter des limites ! La relation sexuelle consentie s’entend-elle d’une femme qui accepte tout de l’autre et ne prend aucune initiative sachant que Sarah n’a pris aucune initiative laissant à penser qu’elle partageait le projet de cet homme ? Quelle preuve apporte-t-on de cette adhésion ? Le fait qu’on ne puisse pas l’établir, dans les circonstances bigrement inégalitaires dont il s’agit, ne démontre-t-elle pas la contrainte sidérante ? Et l’absence évidente de consentement. Il serait intéressant de voir ce jeune avocat esquisser une démonstration de cette nature si l’un de ses proches était dans ce type de relation.
Doit-on rappeler que s’agissant de l’agression sexuelle le code pénal précise que la contrainte « peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. » (art. 222-22-1 CP) ? Constitue également une agression sexuelle » le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers. «
Où est de la part de la petite Sarah l’adhésion au fait d’avoir des relations sexuelles ? Cette enfant savait-elle même ce qu’étaient des relations sexuelles ? (2) S’il n’y a pas consentement, il y a contrainte. Je ne connais pas de troisième voie.
D’évidence dans ce type de situation l’un – en l’espèce un homme de 28 ans, marié et père de deux enfants dont un de 9 ans – n’est pas dans un rapport d’égalité avec l’autre qui accepterait des relations sexuelles dans une relation normale, ajoutons, détachée de toute relation affective. L’un sait de quoi il retourne, l’autre pas.
Elle paraissait plus âgée avance-t-il ? 14-15 ans. Il est bien le seul à confondre un enfant avec une adolescente ! En tout état de cause qu’est-ce que cela change ? Il ne pouvait pas ignorer avoir affaire à une très jeune fille. C’est tellement vrai que sachant qu’elle était inexpérimentée qu’il lui a proposé de lui apprendre à embrasser. Et qu’il lui a demandé comme la plupart du temps dans ce type de rapports de ne parler à personne de ce qui venait de se passer. La Cour de cassation est très claire sur ce point : peu importe l’âge allégué par la victime qui veut se faire passer pour plus âgée ; peu importe son apparence physique. Seule la carte d’identité vaut. C’est au majeur d’être précautionneux et de ne pas se mettre en situation d’être surpris par le jeune âge de l’autre. Le droit pénal est ici cohérent avec le doit civil.
Cette affaire qui va sans doute défrayer la chronique après d’autres plus ou moins étouffées médiatiquement met en exergue une lacune de notre droit au regard d’autres pays qui posent dans leur législation une présomption irréfragable, donc sur laquelle on ne peut pas revenir, consistant à tenir, sous un certain âge, l’enfant comme ne pouvant pas consentir en connaissance de cause à cet acte qu’est une relation sexuelle. 12 ans pour L’Espagne et les Etats Unis, 14 ans en Allemagne, Belgique et Autriche, 16 ans en Angleterre et en Suisse
Certains proposent que la France s’engage dans cette voie et avancent 13 ans par cohérence avec l’âge légal qui permet d’incarcérer un enfant. Ils auraient pu proposer 7-8 ans âge généralement convenu du discernement pour engager la responsabilité pénale et être doté d’un casier judiciaire. Avec le Dr Emmanuelle Piet qui sur ces questions est plus que légitime, j’aurais plutôt tendance à penser que l’âge de 15 ans protégerait mieux les plus jeunes les prédateurs sexuels.
Cette adaptation législative serait l’occasion d’affirmer enfin qu’il ne faut pas comme on le fait trop souvent par facilité parler d »abus sexuels sur mineur en référence à l’expression anglaise Child abuse. Abus laisse à penser qu’il y a in usage normal de la sexualité des enfants. Ce sont des violences qui sont exercées par l’un sur l’autre. J’affirme à nouveau pour frapper les esprits quitte à être trivial que les enfants ont droit à l’amour de la part des adultes, mais pas à ce qu’on le leur fasse.
Bien évidemment le tribunal correctionnel de Pontoise n’est nullement lié par la qualification retenue par le parquet. Il peut s’estimer incompétent en estimant que pour lui ces faits sont criminels car une violence a été exercée contre Sarah et dès lors souhaiter que la cour d’assises ait à en connaître. Le parquet, sauf à introduire un recours pour obtenir un désaveu de la cour d’appel devra saisir un juge d’instruction
Ce serait même un acte majeur pour obliger le législateur à intervenir et à trancher que d’élever le débat judiciaire.
Après tout n’aurait-on pas dû laisser la cour d’assises apprécier au regard des circonstances en la saisissant au criminel pour viol quitte à ce qu’elle revienne d’elle-même après débats sur la qualification d’agression ou atteinte sexuelle ? Qui peut le plus peut le moins.
Bien évidemment dans l’adaptation législative qui s’impose il faudra maintenir une place aux relations sexuelles que des enfants – les personnes de moins de 18 ans – nouent entre eux parfois très très tôt et qui relèvent de la découverte du corps et de la sexualité. (3). La disposition législative à venir ne devra s’attacher qu’aux relations sexuelles imposées par des adultes sachant que le rapport en toute hypothèse n’est pas égalitaire entre deux partenaires dont l’un est expérimenté quand l’autre ne fait que s’ouvrir à la vie.
(1) « L’enfant victime d’infraction pénale face à la justice », JP Rosenczveig, ASH
(2) A Bobigny le Tribunal pour enfants siégeant en matière criminelle a eu à dire que deux adolescentes de 14 et 16 ans ne pouvaient pas être condamnées pour complicité de tentative d’assassinat sur leur beau-après que le psychiatre nous eut développé que ces jeunes filles ne savaient pas ce que c’était que de vouloir donner la mort, que le commissaire nous eut dit que d’évidence elles ne savaient pas à quoi elles participaient du fait de leur mère et de son amant ! Le procureur avançait une dispense de peine ; nous avons prononcé, sans appel du parquet, un acquittement faute d’intention criminelle.
(3) On estime qu’en creux l’article 226-25 du code pénal ne punit pas donc reconnait les relations sexuelles entre mineurs de 18 ans, mais aussi entre mineurs de moins de 15 ans, âge tenu pour celui de la majorité sexuelle, y compris entre personnes du même sexe. Voir » Les relations sexuelles consenties entre mineurs : de la licéité à l’illicéité », J. Delga et JL Rongé in JDJ, janvier 2013