Alban Ragani, le patron de Securiteam Groupe, leader breton de la sécurité privée, veut un plan pour financer la formation des agents alors que la Cour des comptes épingle les dérives du secteur. Entretien.
Comment réagissez-vous au coup de semonce adressé par la Cour des comptes au secteur de la sécurité privée ?
La Cour des comptes montre les axes d’améliorations encore nécessaires à la régulation et au fonctionnement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Une partie de ces améliorations ont été lancées depuis 2017. Or le rapport porte sur les années 2012-2016. En généralisant certains cas particuliers, on jette le discrédit sur toute la profession alors que nous travaillons depuis dix ans sur la moralisation et la professionnalisation de nos entreprises, notamment pour éradiquer certains comportements.
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Selon le rapport, son action et ses compétences laisseraient quand même à désirer…
Le CNAPS est un organisme jeune, perfectible, mais qui gagne chaque jour en maturité. N’oublions pas qu’il est né d’une volonté commune de l’Etat et des acteurs de la sécurité afin de disposer d’un outil de régulation efficace. Son action positive est reconnue par les entreprises et par nos clients. Avant sa création, les préfectures, déjà débordées, délivraient les autorisations d’exercer. Il n’y avait alors aucun contrôle sur le terrain.
Les sociétés de sécurité sont de plus en plus sollicitées et ont plus de pouvoir. Mais ont-elles réellement les moyens de répondre à la demande ?
Oui ! Nous sommes un acteur majeur de la chaine de la sécurité en France avec 170 000 agents sur le terrain, contre 25 000 agents de police municipale par exemple.
Comme d’autres secteurs, et malgré les neuf millions de chômeurs, nous rencontrons des difficultés de recrutement. Quand nous recrutons, nos salariés sont formés dans des centres agréés et contrôlés. Mais pour relever les enjeux fixés par les pouvoirs publics dans le contexte anti-terroriste, il faut aussi une politique publique volontariste tournée vers la modernisation et la structuration de notre filière.
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Selon vous, comment donner du crédit à des professionnels vus comme des gros bras mal payés et peu formés ?
Pour nous aider à dépasser cette vision fausse et insultante pour nos agents, il faut valoriser nos prestations en sortant de la logique du seul coût horaire. Le ministre de l’Intérieur et le législateur doivent nous y aider.
Depuis la création du CNAPS en 2012, une taxe a été mise en place. Elle a rapporté 56 millions à l’État. Utilisons-les pour mettre en place un plan de modernisation et de financement des formations.
Par ailleurs, comme pour les sociétés d’intérim, exigeons une garantie financière pour éradiquer les sociétés pas sérieuses, et mettons en place une carte professionnelle sécurisée, comme dans le BTP. Misons aussi sur la responsabilisation des clients qui négocient à des prix anormalement bas. Pour reprendre une expression de nos voisins anglais « When you give peanuts, you have monkeys » (Quand tu donnes des cacahuettes, tu récoltes des singes).