C’est l’ambassadeur de Russie à Buenos Aires en personne qui a mis la puce à l’oreille de la police argentine un beau jour de décembre 2016, explique vendredi 23 février El País, qui relate l’impeccable enquête russo-argentine sur un trafic de cocaïne entre les deux pays.
Son Excellence Viktor Koronelli avait remarqué “d’étranges sacs entreposés depuis des mois dans les locaux de l’école de l’ambassade russe” et il avait alerté discrètement les autorités argentines.
Ouvrant les sacs, les inspecteurs y découvrent 389 kilos de cocaïne. Commence alors un pistage discret – du moins le plus discret possible, compte tenu de la nécessaire coopération entre les autorités des deux pays, qui impliquait par conséquent un certain nombre d’intervenants, précise El País.
Les policiers échafaudent un dispositif spécial : les paquets de drogue sont soigneusement remis à leur place mais en y substituant la cocaïne par de la farine, et en y intégrant un système de traçage par satellite. Des écoutes téléphoniques au sein de l’ambassade russe sont décrétées par le juge argentin – avec l’aval de l’ambassadeur – et la police recrute un interprète “sans aucun lien avec la communauté russe en Argentine, afin de préserver le secret”, relate le juge chargé de l’affaire dans El País.
Le comptable russe et le flic argentin
S’armant de patience, les enquêteurs découvrent au fil des mois certains des protagonistes du trafic : le comptable russe de l’ambassade et deux Argentins d’origine russe, dont un membre de la police municipale de la ville de Buenos Aires. Les trois compères avaient pour chef un mystérieux “monsieur K”, actuellement en fuite. La cocaïne aurait été introduite en Argentine depuis la Colombie, et acheminée par la valise diplomatique à l’ambassade russe de Buenos Aires. De même, l’immunité diplomatique du comptable aurait dû servir à acheminer la drogue vers la Russie en toute sécurité.
Par deux fois, relate El País, les complices tentent de faire voyager les sacs vers Moscou, sans succès grâce à la vigilance discrète des policiers. La troisième tentative sera la bonne pour permettre aux autorités des deux pays de coffrer les trafiquants.
À Buenos Aires, en décembre 2017, le comptable russe prépare en effet son déménagement pour retourner dans son pays, et s’empare à cette occasion des sacs (de farine…). Il sera cueilli à Moscou par les enquêteurs russes, en compagnie de deux autres complices, alors qu’il s’apprêtait à prendre livraison de ses affaires.
Cinq personnes ont finalement été arrêtées en Argentine et en Russie, mais “monsieur K” court toujours. En revanche, cette enquête bipartite a fait preuve d’une remarquable efficacité.