Tandis que Macron engageait d’importants moyens militaires en Syrie aux côtés des forces américaines et britanniques, les soldats de la MINUSMA et de l’opération Barkhane subissaient, au Mali, une attaque sans précédent menée par des groupes terroristes. Rappelons que la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) a été créée le 25 avril 2013 par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies. Son rôle est d’appuyer le processus de stabilisation dans cette partie de l’Afrique, en facilitant notamment le retour à la sécurité, le respect des droits de l’homme, l’arrivée et la distribution de l’aide humanitaire ainsi que le retour des déplacés. Dans ce cadre, les Nations unies ont également autorisé le déploiement de l’opération Barkhane, conduite par l’armée française, et chargée de soutenir les missions de la MINUSMA. Si les effectifs de l’opération Barkhane ont fluctué au fil des mois – 4.500 hommes au plus haut et sans doute 3.000 aujourd’hui -, les moyens engagés par la MINUSMA ont toujours été plus conséquents. Ainsi, 25 pays contributeurs aux moyens de police ont fourni près de 1.700 hommes. Et 50 pays engagés dans les opérations militaires ont envoyé 12.000 soldats sur zone.
Mais c’est aussi dans cette partie du monde que les combats contre les groupes djihadistes ont été les plus meurtriers. Avant cette nouvelle attaque sur Tombouctou, qui aurait fait un mort et une vingtaine de blessés, 160 Casques bleus ont perdu la vie, dont 102 au cours d’agressions armées, ce qui représente plus de la moitié des soldats de l’ONU tués au cours de la même période (depuis juillet 2013) dans le monde.
Depuis plusieurs mois déjà, les militaires français engagés dans les combats remarquent un net renforcement des capacités opérationnelles des groupes terroristes sur la zone sahélienne. Cette nouvelle attaque de grande envergure, que des responsables locaux des Nations unies ont qualifiée « d’importante attaque complexe », car faisant appel à des « « tirs de mortier », « des échanges nourris de tirs d’armes automatiques » et l’utilisation de « véhicules piégés », est bien la preuve que le conflit se durcit et menace d’enlisement.
Il faut dire que les données socio-économiques et géostratégiques dans cette région sont complexes. En effet, la bande sahélienne est l’une des plus pauvres du monde. Pourtant, d’ici 2050, la population aura triplé sans que les moyens minimum nécessaires à sa survie n’aient véritablement évolué. Par ailleurs, l’instabilité politique qui marque ces pays, souvent due à des rivalités ethniques ancestrales, ne contribue pas à la cohésion qui, seule, permettrait de lutter efficacement contre les attaques extérieures menées par les groupes terroristes. Sur le plan stratégique, la création du G5 Sahel a certainement été une avancée significative. Toutefois, le peu de moyens structurels des armées nationales africaines engagées et la pauvreté des moyens budgétaires et des équipements déployés ont vite révélé les limites de cette initiative purement locale.
En ce qui concerne l’appui des forces françaises, elles aussi se trouvent contraintes par différents phénomènes. Tout d’abord, l’étendue du « champ de bataille », parsemé de zones désertiques hostiles. Ensuite, un manque de moyens en hommes et en matériels ainsi qu’une usure prématurée des moyens mobiles, limitant de ce fait les capacités opérationnelles. Enfin, un budget contraint. Dans ce contexte, et en l’absence d’une évolution rapide du dispositif militaire mis en place, la menace d’une islamisation démultipliée du Sahel pourrait bien devenir une réalité à court terme.