Les maires veulent plus de pouvoirs pour leurs polices municipales
Les élus attendent les nouveaux policiers nationaux promis par le gouvernement pour répondre à la demande accrue de sécurité de leurs électeurs.
Le ministère de l’Intérieur l’appelle le continuum de la sécurité. Les rapporteurs que Gérard Collomb a missionnés sur le sujet parlent plutôt d’une coproduction. Pour les maires, c’est surtout un sujet de préoccupation. Car la réorganisation des forces de l’ordre à laquelle réfléchit le gouvernement risque, selon eux, d’étrangler leurs polices municipales entre le désengagement de l’Etat, les attentes des habitants et les ambitions des agences de sécurité privées. Les élus de l’association France urbaine l’ont récemment dit à la députée LREM Alice Thourot, qui, avec un autre parlementaire de la majorité, l’ancien chef du Raid Jean-Michel Fauvergue, doit rendre ses conclusions avant juillet.
agents de police municipaux. D’après Ville de France, les effectifs ont crû de 20 % ces six dernières années.
Les élus ont certes salué la création d’une police de sécurité du quotidien (PSQ) pour le renforcement des effectifs de la police nationale que promettait cette mesure. Mais depuis le début d’année, dans les trente quartiers d’expérimentation, les élus de France urbaine, qui représente 90 % des maires bénéficiaires, ne voient pas grand-chose bouger. « Un comité de suivi doit se réunir en juin, nous verrons à ce moment-là », indique Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, coprésident de la commission Sécurité de France urbaine. Il doute par ailleurs des renforts de 10.000 policiers promis pour le quinquennat par la place Beauvau. « Les recrutements pour l’année 2018 ne compensent même pas les départs en retraite » assure-t-il.
Caméras piétons
Les maires craignent une poursuite du retrait de la police nationale qu’ils dénoncent depuis trois ans, alors que l’Etat encourage la municipalisation. Car la demande de sécurité de leurs habitants les a progressivement poussés à créer ou renforcer leurs effectifs de policiers municipaux, puis à les armer. « Même les maires qui y étaient opposés ont fini par le faire, nous n’avons plus le choix » regrette Gaël Predriau. L’équipement des policiers avec des caméras dites « piétons », une innovation permettant de garder les traces d’un contrôle d’identité ou d’une intervention, se généralise aussi.
Pour autant, les maires ne veulent pas assumer le coût d’un nouveau retrait de la police nationale. Un expert explique que les élus ont trouvé un compromis entre les deux camps qui s’étaient formés depuis les années 2000 entre ceux refusant de jouer le jeu de l’Etat et ceux revendiquant leur pouvoir de police.
Fermetures administratives
Les maires veulent aujourd’hui moins accroître les effectifs de leur police municipale que renforcer leur pouvoir de police. « Vous vous rendez compte qu’un agent ne peut pas accéder au fichier SIV des plaques minéralogiques, un garagiste oui », tonne Gaël Perdriau qui propose aussi de laisser les agents faire des vérifications d’identité. Ils sont aussi prêts à reprendre la compétence de fermetures administrative des établissements (nuisances, etc.). En février, lors d’une audition de Gérard Collomb au Sénat , le sénateur LR François Grosdidier avait rappelé que le décret sur le fichier SIV est attendu depuis deux ans.
« Il n’y a pas une mairie qui cherche à développer sa police et qui ne rencontre pas de difficultés de recrutement », assure Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne. France urbaine a proposé de créer une Ecole nationale de police municipale pour décharger les centres de formation du CNFPT et harmoniser les compétences des agents. Une idée acartée par l’Etat.
Les nouvelles compétences de police sont particulièrement recherchées, comme la gestion des centres de supervision urbains où sont analysés les flux de caméras de surveillance.
Enfin, les maires se voient aussi bousculés par le fort lobbying du secteur de la sécurité privée que le ministère de l’Intérieur veut associer plus directement. Alice Thourot défend leur place dans la coproduction de la sécurité, rappelant qu’il existe déjà 168.000 agents privés, huit fois les effectifs de police municipale. « Sans ces agences, l’Euro 2016 n’aurait pas eu lieu, c’est un bon partenariat » défend-elle. Chez France urbaine, on pointe plutôt le rapport de la Cour des comptes de février qui a épinglé le « rapport qualité/prix » de l’offre de ce secteur .