LES FAITS
La loi Asile et immigration est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale. En marge du débat parlementaire, la ville de Calais doit être auditionnée sur la situation calaisienne.
Natacha Bouchart avait indiqué lors du dernier conseil municipal que des mains courantes et plaintes déposées par des Calaisiens depuis mai 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron à la tête de l’État, allaient être versées au débat.
Nord Littoral a pu analyser environ 300 de ces mains courantes. Que disent les mains courantes de la situation migratoire vécue par la ville depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir ?
Nord Littoral a pu analyser environ 300 mains courantes et plaintes que les Calaisiens ont déposées contre les migrants de Calais depuis dix mois, entre mai 2017 et mars 2018.
Si la jungle a été démantelée, la crise est loin d’être terminée à Calais comme le prouve l’analyse de ces mains courantes.
Elles montrent que des interventions sont réalisées à tout moment de la journée, de nuit comme de jour, le matin, l’après-midi, en soirée. Aucun moment n’est épargné.
Les mains courantes déposées concernent
87 lieux différents
L’autre idée reçue concerne les lieux touchés. Si on évoque souvent l’A16, la rue des Verrotières ou encore la zone des Dunes quand on aborde la question migratoire à Calais, on se rend compte à travers ces mains courantes que c’est tout la ville de Calais qui est touchée par le phénomène avec des signalements observés sur pas moins de 87 lieux différents.
Les plus nombreuses ont été déposées après des signalements effectués, parc Saint-Pierre, boulevard Clémenceau ou parc Richelieu.
Nombreuses au cours de l’été, entre les mois de juin et septembre, avec parfois plusieurs mains courantes déposées par jour, elles ont été moindres par la suite.
Mais la ville de Calais les a davantage fait remonter aux autorités depuis le mois de septembre, en envoyant régulièrement des courriers au ministre de l’Intérieur Gérard Collomb ainsi qu’au préfet du Pas-de-Calais Fabien Sudry et au sous-préfet de Calais Michel Tournaire. Elles ne sont pas forcément le fait d’événements d’une extrême violence mais elles témoignent bien plus de nuisances dénoncées au quotidien par les Calaisiens.
Ainsi un courrier mentionnant le personnel d’une école adressé au ministre de l’Intérieur le 29 janvier signale « la présence de migrants qui stoppent les voitures et importunent le personnel. » Un courrier daté du 5 février informe le ministre qu’un Calaisien a vu la toiture de sa maison détériorée après des jets de pierre de migrants.
Son frère vient de se faire agresser… »
Les mains courantes diffèrent par leur nature : une grande majorité d’entre elles – plus de 90 %- concernent des nuisances ou des troubles à l’ordre public, principalement le fait de distribution de repas ou de squats à divers endroits de la ville, y compris chez les habitants. On est en août 2017 et une habitante de la route de Gravelines explique que des réfugiés cassent des branches pour s’installer derrière chez elle.
Le même mois, une autre habitante de la rue Montréal dans le quartier du Pont du Leu signale que son voisin a dû faire partir des migrants qui se trouvaient dans son jardinet. Elle demande à ce qu’une patrouille passe devant chez elle au cas où les migrants reviendraient.
Une petite partie des mains courantes – plus graves – est d’une tout autre nature. Elles concernent des crimes et délits. On parle ici d’altercation verbale, de violence ou outrage à agent, de coups et blessures, de rixe entre migrants… de dégradation volontaire mais aussi d’incendie, de vol de véhicule, ou de viol.
Le 16 mai 2017, parc Saint-Pierre, une main courante est rédigée suite à une agression entre migrants.
Le 30 mai 2017, une Calaisienne s’adresse à la police complètement affolée. La main courante mentionne que « son frère vient de se faire agresser dans le Parc Saint-Pierre à côté du poste par deux migrants. Il s’est réfugié chez elle Il présente une plaie faite apparemment par un cutter. »
Le 31 octobre, la main courante concerne cette fois-ci un Erythréen suspecté de viol sur une femme et qui a été identifié via la vidéoprotection.
Un Calaisien blessé au visage
Dans la nuit du 9 au 10 septembre 2017, un Calaisien rentrant de son travail est blessé au visage par un jet de pierre lors d’une rixe entre CRS et migrants rue du Beau Marais.
4 blessés par arme blanche
Le 21 septembre 2017, une rixe entre migrants éclate en centre-ville, place de Norvège, faisant 7 blessés dont quatre par armes blanches.
Une famille caillassée
Le 23 septembre, le véhicule d’une famille calaisienne est caillassé par des migrants devant leur domicile alors qu’elle était à l’intérieur. La vitre arrière se brise. Une fillette de 7 ans reçoit des débris de verre. Elle est choquée.
Une maison squattée
Le 2 octobre 2017, un Calaisien signale que sa maison en construction est squattée par des migrants et qu’ils utilisent eau et électricité.
Exhibitionnisme
Le 10 octobre 2017, un parent d’élève s’inquiète pour ses enfants scolarisés dans une école calaisienne. Les séances de sport se déroulant à l’extérieur, les élèves font face à des scènes d’exhibitionnisme de la part de migrants se lavant sur les bords du canal jouxtant l’établissement.
Des migrants squattent un lycée
En octobre, un chef d’établissement évoque avec inquiétude les problèmes posés par les intrusions de migrants dans l’enceinte du lycée de jour et de nuit alors même que les lycéens s’y trouvent pour étudier.
Dégradations
et vols
En fin d’année, un entrepreneur situé rue des Verrotières, alerte l’agglomération sur des dégradations et des vols commis dans son hangar. A bout de nerfs, il dépose chaque jour une plainte au commissariat de police. Il doit faire face à une chute de son chiffre d’affaires.
Méthodologie
Nord Littoral a pu se procurer environ 300 mains courantes enregistrées par la Police Municipale de Calais entre mai 2017 et mars 2018. Elles ont toutes été passées au crible. Le journal a relevé les dates, les lieux de signalement, les horaires, et leur nature, pour différencier celles qui concernaient des nuisances de celles qui concernaient des crimes ou des délits par exemple. Nous avons également relevé les différentes sources à l’origine des signalements, que nous avons anonymisées afin de les protéger. Notre objectif était de déterminer s’il s’agissait d’initiatives de la mairie, de la police, ou de simples citoyens…
Nous nous sommes lancés dans ce travail de datajournalisme avec deux principales questions: 1. La crise migratoire est-elle circonscrite à certains lieux comme le laissent entendre les faits que nous relatons fréquemment dans le journal, ou touche-t-elle au contraire tout Calais ? 2. Les Calaisiens sont-ils passifs ou au contraire actifs devant le phénomène de nuisances et de troubles à l’ordre public amenés par la crise migratoire ?
Ce travail est inédit de par la masse d’informations que nous avons eues en notre possession. De nombreuses mains courantes mentionnent des faits que nous n’avons jamais signalés dans le journal. Prises séparément, elles n’auraient pas toujours eu un grand intérêt. Mais les analyser dans leur globalité permet de comprendre l’ampleur du phénomène qui touche Calais malgré un nombre de migrants en baisse par rapport à 2015-2016.