Économie : les milliards du cannabis
Constellation Brands, troisième producteur de vin aux États-Unis, vient d’annoncer un investissement record dans l’industrie du cannabis. Un marché très prometteur.
Par Michel Revol
Pour le moment, Rob Sands comme les nouveaux acteurs de l’herbe en sont réduits à supputer. Les pays autorisant la vente de marijuana pour raisons médicales ou récréatives sont minoritaires. L’Allemagne, la Turquie, la Grèce, l’Ukraine ou encore l’Argentine permettent un usage thérapeutique du cannabis (il soulage la douleur, sert de bronchodilatateur ou encore de vasodilatateur). En France, seules quelques autorisations très isolées, comme pour un spray, le Sativex, ont été délivrées. Une décision plus générale est en cours de réflexion depuis… plusieurs années. L’Uruguay, le premier, puis le Canada, cette année, ont quant à eux légalisé la vente et la consommation d’herbe pour un usage personnel — en clair, pour la fumer. Les États-Unis, de leur côté, l’interdisent au niveau fédéral, mais vingt-neuf États autorisent son usage médical et huit son usage personnel. En Californie, dans le Nevada, l’Alaska ou encore le Colorado, on peut donc acheter et consommer de l’herbe en toute liberté (même si la quantité que chacun peut transporter est limitée).
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L’indice boursier de la marijuana s’envole
Dans ces États américains, depuis le feu vert des autorités locales, le marché du cannabis s’est envolé. Au Colorado, il a créé en quatre ans 18 000 emplois et engendré des recettes fiscales inattendues grâce à une taxe de 30 % : 50 millions de dollars la première année, beaucoup plus qu’escompté par les autorités fédérales. Le Colorado a d’ailleurs dû reverser 30 millions à ses contribuables, puisque sa Constitution limite le montant maximal d’impôt qu’il peut percevoir…
Ailleurs aux États-Unis, le phénomène est similaire. Au total, le marché du cannabis nord-américain s’élève à 6,7 milliards de dollars en 2016, en hausse de 34 % par rapport à l’année précédente ! Preuve du poids croissant de cette économie, un indice boursier représentant les industries du secteur a été créé il y a trois ans. Depuis, à part quelques à-coups, ce CAC 40 de la fumette (il comprend une trentaine de sociétés) ne cesse de grimper. The North American Marijuana Index — c’est son nom — a par exemple triplé entre septembre 2017 et janvier 2018 ! Autre exemple : les bénéfices de Canopy Canada ont explosé de 660 % en 2017 !
Légaliser, c’est taxer
À la vue de ces chiffres, mais aussi pour endiguer le trafic, les gouvernements s’intéressent évidemment à la question. Légaliser, c’est en effet la possibilité de percevoir des taxes. Pour l’heure, la Nouvelle-Zélande est l’un des rares pays à avoir engagé un processus de légalisation, mais les sociétés du secteur espèrent que l’exemple canadien (la légalisation sera effective en octobre) provoquera un effet boule de neige. D’autres États américains, notamment, pourraient suivre l’exemple des huit pionniers. Selon le site Marijuana Business Daily, l’impact de la légalisation du cannabis sur l’économie américaine se montera, en 2021, à près de 70 milliards de dollars, dont environ un quart serait dû à la seule vente pour la consommation. Soit une envolée de 241 % par rapport à aujourd’hui !
En France, les professionnels évaluent l’économie du cannabis médical, s’il était autorisé, dans une fourchette comprise entre 500 millions et 2 milliards d’euros. Le site de statistiques et de datas allemand Statista s’est quant à lui amusé à évaluer les taxes que la marijuana rapporteraient à la ville de Paris si l’herbe était taxée comme le tabac : 102 millions d’euros par an, de quoi payer environ la moitié des emprunts annuels de la capitale…