C’est un arrêté municipal technique, semblable à ceux que d’autres collectivités de droite ou de gauche ont pris pour limiter la mendicité dans l’espace public. Mais à Besançon, celui qu’a fait adopter le maire, Jean-Louis Fousseret, transfuge du Parti socialiste désormais rallié à La République en marche, est jugé « inacceptable » et « scandaleux » par une grande partie de la gauche.
Au-delà des plaintes d’habitants et de commerçants du centre-ville, las des « nuisances » liées à la présence de SDF, avec ou sans chiens, dont certains ont certes un comportement provocateur, beaucoup jugent « trahie » la tradition humaniste de la ville. Au point qu’un ancien premier adjoint PS, Jacques Vuillemin, est sorti de sa retraite pour se joindre, samedi 18 août, à un sit-in auquel participait l’ex-députée PS frondeuse du Doubs, Barbara Romagnan.
Si le mot d’ordre de la manifestation était « Je suis assis », c’est que l’arrêté, pris discrètement le 3 juillet, « après avoir été voté à l’unanimité par la municipalité en juin » et « limité à un périmètre, à des dates et horaires très précis », insistent les proches du maire, proscrit, sous peine d’une amende de 38 euros, « la station assise ou allongée [sur les places et trottoirs] lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation publique ». Ceci, afin que la police municipale dispose d’un cadre légal d’intervention. L’outil juridique a-t-il été utilisé depuis ? On l’ignore puisque nul n’en avait entendu parler jusqu’à ce que L’Est républicain en révèle l’existence, le 16 août. Quant à la mairie, elle préfère communiquer sur la qualité de ses structures d’accueil de jour et de nuit, et sur les logements qu’elle met à la disposition de réfugiés politiques.
Les mânes des illustres natifs de l’endroit, Charles Fourier, Pierre-Joseph Proudhon ou Victor Hugo, sont maintenant invoquées par les opposants à l’arrêté pour symboliser « l’ampleur de l’outrage » fait à une cité qui rêve toujours d’utopie sociale et qui n’a jamais oublié la solidarité née de l’affaire Lip. Quelques-uns en appellent aussi à la mémoire d’Henri Huot, l’adjoint socialiste qui mit en place, entre 1969 et 1975, un minimum social garanti dont s’inspira plus tard Michel Rocard pour le RMI. Mais si la mobilisation de la gauche radicale est forte sur les réseaux sociaux, c’est aussi pour mettre le Parti socialiste, le Parti communiste et Europe Ecologie-Les Verts « face à leurs contradictions ».
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« Dérive droitière »
Après que M. Fousseret a rejoint Emmanuel Macron avec douze élus, devenant minoritaire au sein de sa majorité, Besançon se trouve en effet dans une situation originale. Sa municipalité est composée d’adjoints PS, PCF, EELV et LRM arrimés à ce qui fut leur projet de campagne commun en 2014. Ce sont eux tous qui ont voté l’arrêté qui fait polémique. « C’est incohérent et c’est mépriser la volonté des citoyens », s’indigne Séverine Véziès, professeur de droit en IUT. Cette militante de La France insoumise y voit « une dérive droitière » liée au ralliement du maire à LRM.
Comme d’autres, elle croit que « cet attelage contre nature, où des adjoints communistes soutiennent un maire libéral, ne tiendra pas jusqu’en 2020. » Cette année-là, M. Fousseret ne se représentera pas. En juillet, Christophe Castaner a nommé l’élu de 71 ans à la présidence du nouvel institut de formation politique de LRM. « Il pourra y enseigner l’art et la manière de se débarrasser des SDF… », ironisent ses opposants.