Viol collectif filmé à Toulouse : la victime témoigne et le scénario se précise
Les gendarmes ont entendu ce mercredi matin la jeune femme victime d’un viol collectif qui a été filmé, et diffusé. Les enquêteurs progressent dans l’identification des suspects.
Que s’est-il passé tard dans la nuit de samedi à dimanche à Balma ? Sur le parking d’un établissement de nuit, plusieurs hommes ont sexuellement abusé d’une jeune femme. Un viol collectif, une tournante. Sordide. La victime âgée de 19 ans ne se souvient plus très bien de ces minutes qui ont duré des heures. « Comme si j’avais été droguée », a-t-elle confié aux gendarmes de la brigade des recherches qui l’ont longuement entendu ce mercredi matin. Elle pense avoir été victime d’un piège. Que quelqu’un aurait pu verser dans son verre du GHB, cette drogue qui gomme la raison. Surnommée la drogue des violeurs, ce psychotrope fait en effet perdre ses capacités de réaction et de résistance.
Est-ce que ce produit explique les images d’une jeune femme qui titube, semble ne pouvoir résister aux hommes qui l’assaillent ? Des analyses le diront peut-être même si les traces de cette drogue disparaissent rapidement du corps humain.
Hier après-midi, le parquet de Toulouse a officiellement ouvert une instruction pour « viol en réunion ». Cette instruction confiée à la juge Elodie Billaud vise également le délit lié à l’enregistrement de ce crime (lire c-dessous). Les gendarmes de la brigade des recherches de la compagnie de Toulouse Saint-Michel travaillent officiellement depuis mardi soir avec l’appuie des spécialistes de la Section recherches de Toulouse. Un groupe d’enquête qui doit identifier les violeurs, trois ou quatre individus mais également des témoins. Au moins trois personnes qui, non seulement, ne portent pas assistance à la victime mais, semble-t-il, filment ce viol !
Dans son audition, la victime a apporté des éléments aux enquêteurs. Après, sur les réseaux sociaux qui se déchaînent, elle a également dédouané un de ses amis que certains désignaient comme un des coupables.
« C’est une enquête difficile en raison de la gravité des faits et de ce monde parallèle des réseaux sociaux », glisse une source proche du dossier. Il ne suffit pas de dénoncer un homme pour qu’il soit immédiatement arrêté et condamné.
« La procédure pénale est plus compliquée que dans les séries télé », lâche un enquêteur. Et parce qu’ils savent que face à un viol, les suspects se défendent toujours en accusant la victime, il faut « construire » le dossier et les charges. Cela passe pas de multiples vérifications. Techniques, scientifique et également humaine. Les arrestations viendront plus tard.
Filmer, c’est une complicité
En ouvrant une information judiciaire ce mercredi après-midi, le parquet a donné aux enquêteurs, désormais placés sous l’autorité d’une juge d’instruction, des moyens d’investigations plus importants. L’information vise le crime de viol aggravé mais également, un article qui puni « le fait d’enregistrer sciemment par quelque moyen que ce soit sur tout support des images relatives à la commission de ces infractions ». Un acte de complicité puni de 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. Le viol aggravé est puni de 20 ans d’emprisonnement.
« La victime est en état d’anesthésie totale »
Gérard Lopez, expert psychiatre et judiciaire, criminologue, président-fondateur de l’Institut de victimologie de Paris
Qu’est-ce qui peut bien pousser une bande d’individus à provoquer et à filmer un viol en réunion, puis à le partager sur les réseaux sociaux ? Ça arrive de plus en plus souvent…
Oui, forcément puisque la possession d’un smartphone se généralise. Quant au viol en réunion, c’est malheureusement vieux comme le monde. Il s’agit en général d’une sorte de rite d’initiation très valorisant.
Le viol a eu lieu à la sortie d’une boîte de nuit, avez-vous une idée du scénario qui s’est tramé dans l’esprit de ces personnes ?
Malheureusement, c’est un classique. Ils ont dû s’encourager, commencer à justifier leur acte par l’attitude de leur future victime durant la soirée, en se disant qu’il s’agissait d’une fille facile, que tout le monde avait déjà profité d’elle… Souvent, il y a un meneur, quelqu’un qui a peut-être déjà connu des traumatismes sexuels durant son enfance. En France, il y a pas moins de 4 millions de victimes d’inceste, c’est énorme.
Mais pourquoi d’autres filment la scène ?
Ça dilue la responsabilité d’une part et il y a un sentiment de fierté d’autre part. C’est un acte de gloire. Sans parler de l’émulation collective, d’un phénomène aussi d’entraînement mimétique. Quelque part, ils sont aussi convaincus de ne pas faire de mal. Ils se disent entre eux : « T’as vu comment elle se comportait durant la soirée ? » Ça leur donne déjà une excuse et la conviction que ce qu’ils font « n’est pas si grave ». Souvent, d’ailleurs, la victime est trop sonnée pour protester. Acculée, désespérée, elle est dans un tel état de choc que la protestation n’est pas si évidente et les violeurs interprètent ça comme une forme de consentement. En Espagne, un tribunal a d’ailleurs estimé qu’une victime n’en était pas une, car elle n’avait pas dit non de façon assez explicite. Elle n’avait pas crié. Par conséquent, elle devait être d’accord. C’est négliger tout l’aspect neurophysiologique d’une telle agression. On ne peut plus réfléchir, on est presque en état d’anesthésie totale.
Receuilli par L. S.