Cherche policier municipal désespérément
La mairie de Paris vient d’annoncer la création d’une police forte de 5 000 agents. Mais, partout en France, les villes peinent à recruter malgré les avantages promis aux futurs salariés.
Lors des dernières municipales, tous les candidats ou presque, de droite comme de gauche, dans les petites comme dans les grandes villes, ont promis de créer leur police ou d’en augmenter les effectifs: 50 nouvelles recrues d’ici à 2026 pour la socialiste Martine Aubry à Lille, 25 à 30 pour l’écologiste Grégory Doucet à Lyon, une centaine à Marseille comme à Toulouse, un triplement pour le nouveau maire Les Républicains de Bron… «Longtemps les polices municipales étaient surtout localisées dans le Sud-Est, détaille Armand Pinoteau, directeur administratif et financier de l’association d’élus Villes de France. Mais depuis les attentats, elles sont présentes presque partout. » En quelques années, le nombre de policiers municipaux a explosé: «On est passé de 18000 en 2010 à 24000 en 2020», détaille Laurent Trijoulet, du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui les forme.
Face à l’afflux, les communes échouent à pourvoir les postes promis à leurs administrés. «On devrait en avoir une centaine et on n’en a que le quart », déplore Georges Mothron, maire LR d’Argenteuil. À Lyon, sur les 365 inscrits au budget, il en manque encore une cinquantaine. Dans ce contexte de pénurie, Paris vient d’annoncer la création de sa propre police, forte d’ici à 2026 de 5000 agents dont 3 600 policiers municipaux. Selon les calculs de l’association d’élus France urbaine, hors Paris, il en manquerait environ 4000 sur le territoire national, dont à peu près un tiers en Île-de-France.
Premier goulet d’étranglement, le manque de places aux concours
Premier goulet d’étranglement, le manque de places aux concours. Organisés non pas nationalement mais au gré des demandes des maires, ils souffrent d’un manque de régularité, et les postes ne sont pas toujours pourvus, faute de candidats. De plus en plus exposée, la profession peine à attirer. Deuxième goulet, l’attente, quatre mois en moyenne, avant d’avoir une place dans l’un des centres du CNFPT pour une formation qui dure environ six mois. «Chaque année, le nombre de recrues grimpe de 20%. On tousse un peu pour mettre cette hausse en adéquation avec les moyens de les former, admet Laurent Trijoulet, alors même qu’on table sur une augmentation de 7600 policiers municipaux entre 2020 et 2026.»
En avril, le CNFPT a embauché 25 personnes pour gérer cet afflux, et il investit des dizaines de millions d’euros dans l’agrandissement de ses centres. Entre le moment où le policier est recruté et celui où il termine sa formation, il s’est écoulé près d’un an, pendant lequel il est payé par la mairie qui l’a embauché… Ensuite, «une fois sur deux il veut partir dans une autre police», déplore Philippe Laurent, vice-président de l’Association des maire de France et lui-même premier édile (UDI) de Sceaux. «On est tous en manque, alors on se les pique les uns les autres», reconnaît Georges Mothron. Pour les attirer, certaines communes offrent un logement de fonction, créent des brigades de nuit ou cynophiles, proposent des drones, des véhicules neufs, des formations, des séances de tir régulières, des heures supplémentaires, des primes… Le salaire d’entrée d’un gardien-brigadier, un fonctionnaire de catégorie C, est de 1500 euros, mais certaines municipalités vont jusqu’à le doubler.
À Lyon, assure Mohamed Chihi, adjoint à la sécurité, il a été « revalorisé de 120 euros brut pour atteindre en moyenne 1900 euros». Les grandes villes attirent plus grâce à la variété des missions qu’elles proposent et les possibilités d’évolution. Et, par-dessus tout, ce que veulent les policiers, c’est de l’armement. «C’est la première demande », confirme le syndicaliste Cédric Michel du SDPM. « La police municipale est souvent le reflet du maire, détaille Christophe Bouillon, patron de l’Association des petites villes de France, qui peut l’utiliser pour faire de l’affichage à coups d’équipements dernier cri. » Philippe Laurent ajoute toutefois: «L’État est très content d’avoir une police supplémentaire payée par les communes. Pourtant, nos agents n’ont pas les mêmes missions: prévention, tranquillité urbaine, et non recherche de délinquants.» Et, de plus en plus, les communes pallient le manque d’effectifs des forces de l’ordre nationales. La police municipale a de 5 beaux jours devant elle.