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Projet antiterroriste: la juriste Delmas-Marty alerte sur un risque de « despotisme doux »

Contamination du système pénal, risque de « despotisme doux » : la célèbre juriste Mireille Delmas-Marty dénonce la rupture opérée par le projet de loi antiterroriste, destiné à remplacer l’état d’urgence, qui « conduit d’une société de responsabilité à une société de suspicion ».
« Si on éprouve de fortes réticences, c’est que, tout en annonçant l’adoption de +nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme+, le projet de loi automatise les instruments de prévention », explique la professeur honoraire au Collège de France dans une tribune publiée lundi par Libération.
« Certes, la prévention est nécessaire et doit être renforcée face aux fureurs terroristes mais la séparer de la punition pour en faire un objectif répressif en soi marque une rupture, conduisant d’une société de responsabilité à une société de suspicion », argue-t-elle.
« Cette rupture (…) est consommée dès lors que la punition n’est plus l’objectif d’un droit que l’on persiste à nommer +pénal+, alors qu’il tend vers des mesures qui sont imposées à une personne non pas pour les punir d’un crime qu’elle a commis, mais pour prévenir ceux qu’elle pourrait commettre », dit-elle, jugeant « significatif » que « la plupart des dispositions relèvent du code de la sécurité intérieure et non du code pénal ».
Le projet de loi antiterroriste, examiné mardi et mercredi au Sénat, a suscité les levées de boucliers d’associations, de syndicats de magistrats et d’avocats et de personnalités comme le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ou la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Christine Lazerges.
Plus de 500 chercheurs et universitaires ont signé un appel dénonçant une « régression de l’État de droit » et le barreau de Lyon a voté lundi une motion appelant les parlementaires à la vigilance contre un risque « de dérives liberticides ».
Pour Mireille Delmas-Marty, membre de l’Institut de France, la rupture opérée par le projet de loi est « aussi politique » car « l’extension de la punition de la prévention » invite « à affaiblir la garantie judiciaire ».
« Même limitées au terrorisme, des mesures telles que l’assignation à résidence, les visites, perquisitions et saisies administratives, les périmètres de sécurité ou la fermeture administrative de lieux de culte pourraient être décidées, comme en état d’urgence, par le ministre de l’Intérieur ou le préfet », rappelle la juriste pour qui « l’ajout d’une référence au juge des libertés et de la détention (JLD) ne suffit pas au rééquilibrage ».
D’autant, s’inquiète-elle, « qu’au vu de la masse des tâches confiées à l’exécutif, on peut s’interroger aussi sur le risque d’un transfert de pouvoirs à des partenaires privés ».
« Il est prévu que les policiers et gendarmes auxquels sont confiés de nouveaux pouvoirs puissent être assistés par des agents de police municipale et par des agents de sécurité privée », souligne-t-elle.
« En somme, il est nécessaire de lever l’état d’urgence, mais il ne serait ni légitime ni d’ailleurs efficace de le remplacer par une contamination permanente du système pénal », résume l’ex-professeur de droit, évoquant le risque d’aboutir à un « despotisme doux ».

  AFP

Source:: Projet antiterroriste: la juriste Delmas-Marty alerte sur un risque de « despotisme doux »

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