Meurtre d’un gérant de snack à Marseille : le procès d’une expédition punitive
Le 13 octobre 2013, la leçon infligée au patron du snack du Parc Kallisté, à Marseille, avait mal tourné
La défense réfute le terme mais l’accusation le revendique. Ce qui a conduit, le 13 octobre 2013, à la mort d’Aziz Attou, 27 ans, patron respecté du snack La Kallistoise, ne serait ni plus ni moins qu’une expédition punitive visant à faire respecter les codes de la cité. Une sèche leçon, décidée sur un coup de tête, censée rappeler qui devait faire régner « l’ordre » à la Solidarité et au Parc Kallisté. Un des six coups de couteau plantés lors de la bagarre dans le commerce a transformé les violences volontaires avec arme en crime. Se faufilant entre deux côtes, la lame a atteint la région du coeur. Aziz Attou mourrait une heure plus tard à l’hôpital d’une hémorragie massive, après trois infarctus.
La mort soudaine et inexpliquée de ce commerçant sans histoire, apprécié de tous, avait délié les langues. Pas auprès de la police, incapable de recueillir une déclaration, même sous X, tant la peur plombait la cité. Une ambiance qui ressurgit d’ailleurs quatre ans plus tard devant les assises, avec une défection massive de témoin. « Tous ! Ils ont tous disparu, note, dépité, le président Tournier. Du jamais vu. Même dans les affaires de grand banditisme. À quoi peut-on attribuer ce climat hostile ? » « Toutes ces personnes se connaissent et se côtoient depuis très longtemps, avance la directrice d’enquête Corinne Bonnet. Et tout le monde sait qu’un trafic de stups est tenu par une équipe dont fait partie Naïm Mohamed Said, dit « Berga », lequel fait travailler des jeunes qui tiennent le rôle de charbonneurs. Si personne n’a voulu nous parler, en revanche, les cinq noms avaient circulé quelques jours après le crime. »
Les confidences des uns et des autres avaient été recueillies par la veuve du gérant, dont le frère d’un des accusés était le meilleur ami. À l’origine bien malgré lui de ce qui était arrivé par la suite, Nadir Zaatout, frère aîné de Malek, était venu lui raconter cette folle journée qui avait vu s’additionner les egos jusqu’à la catastrophe. Malek Zaatout s’était bagarré avec son frère, Nadir, au sujet d’une location de voiture.
Il ne parvenait pas à impressionner le patron de La Kallistoise
L’incident se passant dans son snack, sous le nez des clients, Aziz y avait mis sèchement un terme, assénant même un coup de poing au jeune Zaatout qui s’était permis de le rabrouer. Vexé, Malek Zaatout avait raconté l’incident à ses collègues de La Solidarité. Berga assistait à la discussion. Lui aussi avait un problème avec le patron de La Kallistoise. Il ne parvenait pas à l’impressionner. Et ça commençait à faire mauvais genre dans la cité…
« Malek Zaatout est-il suffisamment important à La Solidarité pour que tout le monde décide d’aller laver son honneur ? Le mobile est outrageusement ridicule ou alors il y a des zones d’ombre dans le dossier », relève son avocate, Me Valérie Coriatt.
« C’est l’effet de groupe, Madame, rétorque l’enquêtrice. Ils se sont certainement monté le mou pour aller mener une expédition punitive. »
« Quels éléments objectifs avez-vous pour dire que Malek Zaatout est allé chercher les autres ? », questionne à son tour Me Bruno Rebstock, conseil de « Berga ». « L’audition de sa propre mère qui rapporte le récit de son fils », répond l’OPJ.
« Quelle est votre intime conviction sur le mobile ? », tente Me Pascal Roubaud, en partie civile. « Au départ, les protagonistes n’avaient pas l’intention de tuer. Ils sont venus s’imposer dans la cité et la bagarre a mal tourné, affirme Corinne Bonnet. Mais toute la difficulté de ce dossier est de savoir qui a porté les coups de couteau, qui a fait quoi. Aujourd’hui, je suis encore incapable de vous le dire. »
Aucune image de caméra de vidéosurveillance n’étant venue aider le magistrat instructeur, les cinq protagonistes ont été renvoyés ensemble devant la cour pour ce crime qui leur fait encourir vingt ans de réclusion criminelle, et la perpétuité pour ceux qui sont en situation de récidive.
L’un des cinq passera-t-il aux aveux avant la clôture des débats ? Le verdict est attendu vendredi.
Laetitia Sariroglou