Assignations à résidence, perquisitions, surveillance électronique… : que prévoit le projet de loi antiterroriste ?
C’est le texte qui doit permettre à la France de sortir de l’état d’urgence à compter du 1er novembre, près de deux ans après son instauration au soir des attentats du 13 novembre 2015. Le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est examiné mercredi par la commission des lois de l’Assemblée nationale, après l’audition la veille du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.
Le gouvernement devrait défendre une mouture très proche de la version initiale, avant que le Sénat ne retoque ou n’encadre en juillet certaines dispositions limitant les libertés publiques, comme l’assignation à résidence, les perquisitions administratives ou encore les « périmètres de protection » décrétés par les préfets. Au moins 250 amendements sur le texte seront examinés dans le cadre de la procédure dite « accélérée ». Un projet de loi jugé insuffisant par l’opposition de droite, qui penche pour une pérénisation de l’état d’urgence, et au contraire « inutile » par les députés Insoumis, qui dénonçaient mercredi un « recul démocratique » et prévoyaient de déposer 48 amendements. Voici les principales dispositions du texte.
Assignation à résidence élargie
Sous le régime de l’état d’urgence, des centaines d’assignations à résidence ont été prononcées contre des individus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Selon Gérard Collomb, 36 assignations sont toujours en cours. Le texte examiné à l’Assemblée prévoit, à partir de novembre, que le ministre de l’Intérieur puisse, après en avoir informé le procureur de la République, assigner l’individu non plus à son domicile, mais dans un périmètre déterminé « qui ne peut être inférieur à la commune » et qui puisse lui laisser la possibilité de « poursuivre sa vie familiale et professionnelle ».
Comme sous le régime de l’état d’urgence, il pourra lui être demandé de se présenter périodiquement aux services de police, y compris le week-end. Cette assignation serait limitée à trois mois mais renouvelable sur décision motivée. Elle serait justifiée lorsque les autorités ont « une raison sérieuse de penser » que le comportement de l’individu « constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public ». Le Sénat a tenté en juillet de plafonner l’obligation de pointage au commissariat à trois par semaine, mais la possibilité d’un pointage quotidien (sous l’état d’urgence, c’était jusqu’à trois fois par jour) a été rétablie mercredi avec l’adoption d’un amendement de la majorité à la commission des lois.
Perquisition administrative
Autre mesure héritée de l’état d’urgence : la possibilité pour le préfet de procéder à une perquisition administrative « en tout lieu », y compris au domicile d’une personne. Mais au lieu de « notifier » simplement cette décision au procureur de la République, le texte exige une « autorisation » du procureur avant la perquisition. Celle-ci intervient en principe entre 6 heures et 21 heures, sauf dans des cas exceptionnels, qui devront être motivés.
Depuis juillet, sous le régime de l’état d’urgence, 21 perquisitions ont été menées, précisait mardi le ministre de l’Intérieur.
Surveillance électronique
L’une des dispositions les plus polémiques de l’avant-projet prévoit la possibilité pour les autorités, sur la base d’une simple suspicion, de placer « sous surveillance électronique mobile » (autrement dit le bracelet électronique) une personne. Il faudra, précise le texte, que l’intéressé donne son accord « par écrit » pour être placé sous une telle surveillance.
Accès aux identifiants personnels
Le projet de loi intègre des mesures concernant les données personnelles des personnes. Le ministre de l’Intérieur pourrait ainsi obliger quelqu’un à déclarer ses « identifiants de communication électronique » après en avoir informé le procureur de la République.
De même, lors de la perquisition, il serait possible d’accéder aux données contenues dans un ordinateur, en attendant a posteriori l’autorisation du juge des référés du tribunal administratif d’exploiter les données.
Périmètre de protection
Le texte mentionne la possibilité pour le préfet de déterminer par arrêté, sur simple notification au procureur de la République, un périmètre précis « de protection » limitant la circulation des personnes, notamment lors des grands événements. A l’intérieur de ce périmètre, les forces de sécurité, y compris la police municipale, pourront procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages.
Fermeture des lieux de culte
La loi de juillet 2016 relative à l’état d’urgence avait déjà facilité la possibilité de fermeture provisoire des lieux de culte par les autorités administratives lorsque seraient tenus des propos provoquant à la haine, à la violence ou à la commission d’actes terroristes.
Le nouvel avant-projet pérennise cette possibilité, prévoyant que le préfet puisse par arrêté fermer un lieu de culte dans la limite de six mois, avec une possible procédure contradictoire et un recours suspensif devant le juge, en cas de diffusion « d’idées ou de théories » jugées dangereuses, et non simplement de propos faisant l’apologie du terrorisme.
Contrôle aux frontières
Les contrôles aux frontières ont été rétabli le 13 novembre 2015, non dans le cadre de l’état d’urgence, mais en application de l’article 25 du « code frontières » de l’espace Schengen, qui prévoit cette mesure d’exception en cas de « menace grave » pour le pays. En l’état, le contrôle aux frontières ne peut être maintenu que jusqu’au 31 octobre 2017. « Le rétablissement des contrôles a permis la surveillance et l’interception de très nombreux individus signalés dans les bases de données européennes et nationales », argumente le cabinet de Gérard Collomb dans une note adressée aux médias.
Le projet de loi entend « maintenir », au-delà du 1er novembre, « un niveau important de possibilités de contrôle », avec notamment l’élargissement de la zone de contrôle aux abords des gares internationales, l’extension de 6 à 12 heures de la durée légale de ces contrôles, et l’élargissement des contrôles dans certains points de passage frontaliers « désignés par arrêté en raison de leur fréquentation et de leur vulnérabilité ». Ce qui inclut les ports et aéroports jugés sensibles. Pas question, cependant, d’assurer un « contrôle systématique », comme cela était possible depuis deux ans par dérogation aux accords de Schengen.