Marseille : « Cash-cash » entre collecteurs et enquêteurs, 1,1 M d’euros saisis
Sept suspects arrêtés au total dans un vaste réseau de blanchiment d’argent sale provenant des trafics de stups des cités phocéennes en direction du Maghreb
Qui, en lisant les chiffres d’affaires générés par les trafics de stups marseillais, ne s’est jamais posé ces questions : « Où cachent-ils ces liasses de billets ? Où les dépensent-ils et, pour les moins flambeurs, où et comment parviennent-ils à les blanchir et à s’engraisser loin des radars fiscaux et policiers ? » Cette affaire, hors normes et rare, livre quelques réponses.
Nous sommes au mois de juillet dernier. Un homme quitte Marseille en direction de Montpellier, comme des centaines d’estivants. Sauf que sur l’autoroute A54, il tombe dans les filets d’un contrôle douanier qui ont flairé l’embrouille. « Il avait une partie du cash dissimulée dans un sac au pied du siège passager, et l’autre partie cachée dans son tableau de bord,souffle un enquêteur. Il a la cinquantaine, est inconnu de nos services, la mule parfaite en somme ! » Comme ils savent si bien le faire, les douaniers dépiautent l’habitacle et en extirpent… 380 000 euros ! L’alerte est donnée et une enquête est confiée à l’antenne marseillaise de l’OCRTIS (l’office central de répression du trafic illicite de stupéfiants) et à la brigade financière de la PJ. Les policiers tirent la ficelle et finissent, après des semaines d’investigations, par comprendre le manège d’une équipe, qui se trame, là sous leurs yeux, depuis des années peut-être, dans la plus grande clandestinité.
180 000 euros découverts au cours des perquisitions
Mercredi dernier, le 20 septembre, une opération permet d’interpeller cinq hommes et une femme, tous marseillais, âgés de 27 à 36 ans. « Des petits collecteurs, des mules, mais surtout un homme important et qui joue le rôle de banquier occulte ». Un « saraf », dans le jargon. Selon nos sources, cet homme de 36 ans aurait sans aucun doute brassé des millions d’euros. C’est d’ailleurs chez lui que les enquêteurs de la PJ ont mis la main sur la bagatelle de 600 000 euros – ainsi que deux armes longues et deux armes de poing -, auxquels il faut ajouter les 180 000 euros découverts au cours des perquisitions concernant les autres suspects. « Le système est somme toute assez simple, confie un spécialiste, le trafiquant donne l’argent au saraf, qui donne le top à son associé au Maghreb pour qu’il rende l’équivalent, avec un taux de change plus intéressant que dans les banques évidemment, au proche du trafiquant. Ça marche à la confiance. »
Une méthode de blanchiment qui n’est pas nouvelle, mais prendrait de l’ampleur ces dernières années, et pas seulement dans le trafic de stups. « Les trafiquants ont beaucoup appris notamment de la grosse descente de 2013 à la cité de La Castellane (16e) où 1,4 million d’euros avaient été saisis. On avait constaté qu’ils gardaient de moins en moins de produits, d’armes et d’argent dans leurs nourrices de la cité, de peur qu’on les récupère. Ils ont mis en place des nourrices, plus grosses mais aussi plus lointaines de Marseille. Là, on constate que les gérants de réseaux de stups, tout comme les fraudeurs fiscaux et autres auteurs d’importantes infractions financières, font tout pour permettre à l’argent sale de s’évanouir au plus vite dans la nature, pour l’exfiltrer, souvent au bled. D’autant qu’au Maroc et en Algérie, cet argent est rapidement investi, il n’y a pas Tracfin là-bas ! Personne ne pose de questions sur l’origine du cash… »Quatre des six suspects arrêtés il y a une semaine ont été mis en examen et écroués.
Romain Capdepon