Le livre du général de Villiers vient de sortir. Son titre : Servir. « Servir ! C’est la devise de ceux qui aiment commander », écrivait Jean Giraudoux. Et le général de Villiers a passé sa vie à commander. Chef de peloton dans un régiment de chars, commandant d’un escadron d’éclairage, chef de brigade de sous-officiers et de lieutenants à l’école de Saumur, chef de corps d’un régiment de cavalerie, commandant de bataillon en opération au Kosovo, commandant de la prestigieuse 2e brigade blindée, héritière de la 2e DB de Leclerc, commandant d’une formation multinationale en Afghanistan, chef d’état-major des armées.
Le parcours traditionnel, éprouvé depuis les légions romaines, qui veut que l’on ne comprend bien les choses que lorsqu’on les a expérimentées de visu et « de touchu », et surtout que l’on ne comprend et commande bien les hommes que lorsqu’on a partagé leur sort. Un parcours qui traverse toute la société française : EN RÉALITÉ et non en virtualité.
Qui, en effet, connaît mieux la réalité de notre société qu’un officier qui a d’abord commandé sur le terrain de jeunes soldats de toutes conditions, souvent très modestes, et a terminé sa carrière sur ce terrible champ de bataille dont la ligne de front va de l’Élysée à Bercy ? Le général a d’abord commandé trente hommes, puis cent, puis mille, puis dix mille, etc. Le général de Villiers est le contraire d’un homme hors-sol.
Ce livre, donc, revient évidemment sur cette démission fracassante – une première dans l’histoire de la VeRépublique – en juillet dernier. Mais pas de révélations fracassantes. Car le général de Villiers pourrait s’appliquer comme autre devise cette phrase de saint François de Sales : « Le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit. » Et, en effet, à bien regarder les événements de cet été, le bruit, le tonnerre n’ont pas été le fait du général de Villiers. Le bruit est venu de ces députés jacasseurs qui ont rapporté hors du huis clos les vérités sur le budget de la Défense que ce serviteur de l’État était venu leur délivrer. Le bruit est venu d’un chef de l’État qui a fait ce qu’un chef ne doit jamais faire, s’il est un chef : humilier un subordonné devant ses hommes. Le bruit est venu d’un Christophe Castaner déclarant, peu après la démission du général de Villiers : « Le chef d’état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission… Il s’est comporté en poète revendicatif. »
Le bruit ne vient pas du général de Villiers qui, aujourd’hui, a la pudeur, l’élégance et la loyauté de ne pas révéler dans son livre la teneur de son dernier entretien avec le Président. « Vous me permettez de garder pour moi » cet échange, écrit-il. Aussi, ce livre décevra sans doute les voyeuristes qui se régalent à longueur d’année de la pornographie politique étalée sur les présentoirs des librairies et des grandes surfaces.
Ce livre ne fait pas de bruit, même s’il va sans doute faire du bruit. Il dit les choses. La réalité sur le budget des armées. Il rappelle, notamment, que le ministère de la Défense a été le plus gros contributeur de la révision générale des politiques publiques, cette fameuse RGPP lancée par Nicolas Sarkozy.
Ce livre, enfin, au-delà des chiffres, donne quelques leçons que le politique devrait entendre. « La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef… La vraie obéissance se moque de l’obéissance aveugle. C’est l’obéissance d’amitié. » Doit-on en conclure que le général de Villiers ne sera pas l’ami d’Emmanuel Macron ?
Des mots, en tout cas, qui ne sont pas sans rappeler d’une certaine façon l’hymne à la charité de saint Paul. « La charité est serviable ; elle n’est pas envieuse ; la charité ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas… Elle met sa joie dans la vérité. » Servir, c’est aimer.