Assises des Bouches-du-Rhône : les témoins se font porter pâles au procès Fuentes
Jean-Baptiste Fuentes a-t-il tenté de tuer Mohamed Belhacène pour venger la mort de son neveu Yann ? En manque de témoins, la cour peine à y voir clair
C’est presque devenu un rituel dans les dossiers de banditisme, petit ou grand d’ailleurs. Les témoins désertent, le président délivre des mandats d’amener et la cour attend… Fatalement, le procès de Jean-Baptiste Fuentes n’y a pas échappé.
La mère et la soeur de la victime, Mohamed Belhacène, qui avait miraculeusement réchappé à un règlement de comptes le 25 mai 2014 à Septèmes, ont été, hier, réveillées à l’aube par la police et sommées de venir répéter devant la cour ce qu’elles avaient déclaré à la police. La première, pas des plus à l’aise, a bredouillé deux mots. La seconde, guère plus prolixe que sa mère, a veillé à rester prudente : « J’avais dit que mon frère m’avait confié que c’était Jean-Baptiste Fuentes qui lui avait tiré dessus. Mais, c’est pas vrai. J’avais dit ça pour le défendre. J’avais trop de pression de la police… « Les deux autres témoins attendus, les Danti père et fils, ne sont jamais venus. La police ne les a pas trouvés… Pourtant, ils étaient attendus de pied ferme, autant par l’accusation que par la défense.
Le père avait indiqué aux enquêteurs de la Crim que Jean-Baptiste Fuentes lui avait avoué être l’auteur de la tentative de meurtre à l’encontre de Mohamed Belhacène, et le fils aurait reçu les confidences de la bouche de la victime lui affirmant que c’était bien Fuentes qui avait voulu le tuer. Sauf que Mohamed Belhacène a farouchement nié lundi avoir tenu de tels propos et le père Danti, lors d’une confrontation avec l’accusé, finissait par revenir sur ses déclarations… Il était donc urgent pour la cour d’y voir clair.
Verdict aujourd’hui
« Or, le procès est en partie aveugle et muet », a déploré en défense, Me Matteï en demandant le renvoi de l’affaire. Pour l’heure, le président Guichard a décidé de donner quelques heures de plus aux Danti pour trouver le courage de mettre un pied dans la cour d’assises… En attendant, les jurés ont dû se contenter de Walid. Étant incarcéré dans le cadre d’une autre affaire, il n’a pas eu à se poser de questions puisqu’il est venu encadré de gendarmes. Alors, Walid a hébergé quelque temps Mohamed Belhacène après la tentative de meurtre dont il a été victime. À cette occasion, il lui aurait, aussi, confié que le tireur était Jean-Baptiste Fuentes qui avait voulu se venger de la mort de son neveu, Yann. « Il m’a dit aussi que c’était lui qui avait tué Yann, martèle-t-il à la barre. Sur le moment, je le croyais pas. Et puis les rumeurs, les deux balles qu’il avait prises… C’est choquant ! C’était son meilleur ami ! S’il a été capable de lui faire une chose pareille, alors à moi ! » « Mohamed Belhacène dit que vous mentez », souligne le président Guichard. « Oui, je sais, confirme Walid imperturbable. C’est pour se défendre. Il ne peut pas dire que Jean-Baptiste lui a tiré dessus car ça voudrait dire qu’il a tué son neveu… Moi, j’ai rien inventé ! Après, je ne vois pas Jean-Baptiste tirer sur Mohamed… »
« Je me suis rétracté car en prison, c’est dur »
« Vous êtes quand même une girouette », le tance l’avocat général. « C’est vous la girouette !, s’emporte Walid. Je ne suis pas dans le box. Vous ne me parlez pas comme ça ! » « Au procès de Mohamed Belhacène, vous vous êtes rétracté et maintenant vous dites à nouveau que c’est lui qui a tué Yann. À quel moment faut-il vous croire ? », poursuit l’accusation. « Je me suis rétracté car en prison, c’est dur, concède Walid. J’avais peur d’un coup de couteau dans le ventre. Et de toute façon, ça n’a rien changé. Mohamed a été condamné à quinze ans. » « On est d’accord, à un moment, vous avez menti pour vous défendre ? », insiste en défense, Me Matteï. « Oui, bien sûr ! Je le dis haut et fort. Un temps, on m’avait soupçonné moi d’être le tueur de Yann ! C’est humain de mentir un peu pour se défendre. Il faut s’aider soi-même, non ? »
Verdict aujourd’hui.
Laetitia Sariroglou