L’argent du cercle de jeux parisien était caché dans une bergerie en Corse
Jean-François Federici, membre présumé du grand banditisme corse, a été mis en examen pour extorsion dans l’affaire du cercle de jeux parisien Le Cadet.
PAR STÉPHANE SELLAMI ET BRENDAN KEMMET
Il est rare qu’un juge se déplace pour mettre en examen un prévenu. Jean-François Federici, 60 ans, présenté comme un des pontes de la bande des bergers braqueurs de Venzolasca, a eu ce « privilège ». Le juge parisien Serge Tournaire s’est rendu à Marseille, le 16 novembre dernier, afin de lui signifier sa mise en examen pour « extorsion » et « association de malfaiteurs » dans le cadre du dossier du cercle Le Cadet, établissement parisien de jeux fermé en 2014. La justice soupçonne « Jeff » ainsi que son frère Ange-Toussaint Federici, surnommé ATF ou Santu, d’avoir fait main basse sur ce cercle avant d’en ponctionner une partie des recettes.
« C’est une mise en examen purement formelle », estime Me Patrice Reviron, l’avocat de Jean-François Federici, qui purge actuellement une peine de 30 ans de prison pour un double assassinat commis en Corse en 2011 et pour lequel il va bientôt être rejugé. « Ces poursuites reposent sur des éléments peu étayés et disparates auxquels on donne un sens que l’on vient bien leur donner. » Jusqu’à présent « Jeff » était placé sous le statut de témoin assisté dans l’affaire du Cadet.
« Une planque à la mode corse ! »
Toujours selon la justice, ce cercle, dans le 9e arrondissement de Paris et fermé après une descente des enquêteurs du Service central des courses et jeux (SCCJ) à l’automne 2014, aurait permis aux « bergers braqueurs » de se constituer de solides revenus. C’est la découverte, au détour d’une autre enquête, d’une partie de cet argent qui vaut aujourd’hui à Jean-François Federici sa mise en examen.
Au mois de mai 2016, les enquêteurs de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) d’Ajaccio avaient interpellé plusieurs hommes, soupçonnés d’avoir participé à un triple meurtre commis au mois de juillet 2013 à Silvareccio en Haute-Corse. Au cours de leur perquisition, les policiers avaient saisi 100 000 euros habilement dissimulés derrière une pierre d’un mur extérieur d’une bergerie du village de Belgodère en Balagne. « C’était une planque à la mode corse ! s’amuse aujourd’hui un proche de l’affaire. Cette importante somme d’argent avait été découverte grâce à la sonorisation de la maison d’un des suspects. »
Seconde affaire
Ami d’enfance des frères Federici, Barthélémy Beyssier, dit « Mimi », 53 ans, déjà condamné pour un braquage remontant aux années 80, avait assuré que les 100 000 euros saisis dans sa bergerie correspondaient à ses « économies ». Mais les enquêteurs avaient clairement entendu sa mère, via leur sonorisation, préciser que cet argent appartenait à Jean-François Federici et provenait du Cadet.
Officiellement loueur de biens et détenteur de parts dans un commerce de glace saisonnier sur la plage de Lozari, « Mimi » a, lui, été mis en examen pour « blanchiment en bande organisée » et « association de malfaiteurs » à la mi-novembre par le juge marseillais Henri Pons dans un autre dossier judiciaire dans lequel le nom des frères Federici est abondamment cité. Dans cette seconde affaire, la justice les soupçonne d’avoir organisé le racket de commerces dans le sud de la France. Pour l’heure, ni Jean-François Federici ni Ange-Toussaint Federici n’ont été mis en examen.
En revanche, outre Barthélémy Beyssier, un certain Daniel Giabiconi, entrepreneur dans le BTP est également poursuivi pour « blanchiment en bande organisée » et « association de malfaiteurs ». Commandant au sein des pompiers de Haute-Corse, Pierre-Louis Montet, 51 ans, présenté comme étant également proche de « Jeff », a, lui, été mis en examen pour « abus de biens sociaux ». Selon nos informations, le propriétaire d’un hôtel de Porto-Vecchio aurait fait l’objet d’une tentative d’extorsion commandité par le clan des « bergers-braqueurs ».