Participation citoyenne en 2018 pour juguler la délinquance en ville
La sous-préfète de Villeneuve , Véronique Schaaf a proposé un nouvel outil pour lutter contre l’insécurité : la mise en place de «voisins vigilants». Le maire a accepté.
Régulièrement, on reparle du problème de la sécurité à Villeneuve. Comment y remédier ?
Véronique Schaaf. Il faut pour ça avoir à l’esprit que la sécurité, c’est une problématique à embrasser dans sa totalité. Il y a à la fois le volet répressif, mais aussi la prévention, le social, le lien avec la population.
Patrick Cassany. Il y a une particularité villeneuvoise à souligner en préambule. Les chiffres de la délinquance à Villeneuve sont plutôt en deçà de ce qu’on trouve ailleurs en France. Mais c’est très sensible ici, car Villeneuve n’ayant pas de quartiers périphériques, les trafics locaux ont lieu au centre-ville. Je comprends que cela soit exaspérant car évidemment ces faits de délinquance sont parfaitement inacceptables.
Mais on ne peut rien y faire ?
Véronique Schaaf. Si bien sûr. Et d’ailleurs les habitants m’interpellent, comme le maire, m’écrivent. Tant mieux car la sécurité, c’est l’affaire de tous. J’ai proposé au maire que soit mis en place à Villeneuve, comme cela a été fait à Pujols, le dispositif «participation citoyenne», qu’on appelle aussi «voisins vigilants», même si c’est impropre.
Patrick Cassany. Et j’ai accepté à la condition que l’État décide qui seront ces «citoyens» et qu’ils ne puissent pas s’autoproclamer.
Véronique Schaaf. C’est le sens de ce dispositif : on demande à des citoyens volontaires de faire acte de candidature. Ces candidatures sont examinées par les services de police pour s’assurer de l’exemplarité des candidats et qu’ils soient dignes de confiance. Ils restent ensuite anonymes et deviennent des interlocuteurs privilégiés, sans pouvoir de police. Mais soucieux de préserver la tranquillité de leur quartier. L’idée, c’est que les délinquants se sentent cernés en permanence. Par la police qui peut patrouiller n’importe quand, mais aussi par les habitants qui sont en capacité de faire venir les forces de l’ordre si nécessaire. A nous de travailler en parallèle avec les services de prévention pour identifier ces jeunes, prendre en compte leurs problèmes, leurs attentes, le cas échéant établir le dialogue avec les parents, ou même les informer que leur enfant a tel ou tel comportement.
Quand est-ce que ce dispositif sera mis en place ?
Véronique Schaaf. En 2018. Et c’est vraiment une réponse au ras-le-bol des habitants qui se disent «on ne peut rien faire» : si, on peut, surtout si tout le monde s’y met.
Il y a eu, fin novembre, une bagarre au centre-ville qui a fait grand bruit. Certains Villeneuvois ne comprennent pas pourquoi le maire que vous êtes ne fait rien pour endiguer la délinquance dans la bastide, notamment la nuit ?
Patrick Cassany. Nous actionnons depuis plusieurs années tous les leviers qui nous sont légalement donnés : les convocations pour rappel à la loi, les patrouilles en centre-ville de police municipale avec la police nationale, la vidéoprotection. Nous allons demander à pouvoir étendre le périmètre d’installation de la caméra nomade, actuellement cantonnée au cœur de ville, pour la placer ailleurs lorsque c’est nécessaire, notamment aux abords du lycée. Nous avons par ailleurs demandé longtemps et enfin obtenu depuis septembre que des opérations coups de poings soient menées par la police nationale, avec la police municipale, à l’entrée de la rue des Cieutat notamment et en ville. Pour à la fois empêcher et démanteler les trafics et aussi pour montrer qu’il n’existe pas d’espace de non-droit en ville. 12 opérations de ce type ont été menées depuis septembre, l’après-midi, en début de soirée ou même la nuit.
Et pourtant, la bagarre a eu lieu fin novembre et des Villeneuvois vous reprochent de ne rien faire. Ou que les caméras de surveillance servent à verbaliser le stationnement mais pas les violences ou les trafics.
Patrick Cassany. Parce que les gens regardent trop les séries américaines. Le maire n’est pas le shérif de la ville ! Ce n’est pas moi qui commande les effectifs de la police nationale. Pour autant, j’entends les inquiétudes et les demandes des Villeneuvois. C’est pour cette raison que je m’étais porté volontaire dès juin pour accueillir la police de sécurité du quotidien en écrivant au ministre de l’Intérieur. Le député Damaisin a relayé cette demande et a confié il y a 15 jours qu’il était optimiste quant à sa mise en place à Villeneuve en 2018. Nous verrons. Enfin, s’agissant des faits de délinquance au centre-ville, il y a le problème des mineurs qui, lorsqu’ils sont impliqués et ils le sont car la moyenne d’âge est de 17 ans, entraîne des procédures longues et compliquées.
Si la ville fait ce qu’il faut, c’est donc l’État qui est défaillant ?
Véronique Schaaf. Quand on prend une contravention parce que sa voiture gêne, on râle après les caméras. Mais je veux rappeler qu’il y a un grand nombre d’infractions qui sont élucidées grâce à la vidéoprotection. Ces caméras nous permettent aussi de voir comment et où se déplacent les groupes. Pour la bagarre que vous évoquez, là aussi il y a des vidéos qui permettent de voir les faits et d’identifier les protagonistes. M. Cassany a raison, la moyenne d’âge des auteurs de faits de délinquance en centre-ville est de 17 ans : lorsqu’ils sont confondus, la réponse pénale peut être longue. En complément de la vidéoprotection, il y a toute la coopération entre police nationale et municipale qui fonctionne bien. Il existe une vraie entraide, notamment sur les opérations coups de poing. Il y a aussi des réunions hebdomadaires, des échanges d’informations. Il y a, c’est vrai, un phénomène de loupe dû à la géographie de la ville. L’effet de groupe joue aussi et c’est à nous de travailler pour ne pas laisser de place à un sentiment d’impunité. Il faut également que plainte soit déposée, c’est important. Et nous ne communiquons pas sur toutes les opérations. Je peux vous dire que nous avons mené des patrouilles nocturnes avec renforts de policiers agenais en civil il y a peu, mais que ce soir-là, il ne s’est rien passé. Chaque semaine, systématiquement des opérations coups de poing sont menées en ville. Y compris après 20 heures : dans ce cas, on le programme pour que la police municipale, qui termine son service à 20 heures, soit présente en renfort de la police nationale, ainsi que la BAC d’Agen.
Patrick Cassany. La police nationale intervient sur Villeneuve, Bias et Pujols. Le commandant de police faisait remarquer que la superficie de ce territoire est égale à celui de Paris intra-muros (1). Et la nuit, on a une patrouille de 3 policiers…
On en revient à la question des effectifs dans la police…
Véronique Schaaf. On fait avec les effectifs qu’on a. Ponctuellement on peut faire appel à la BAC, ou à des réservistes pour effectuer des patrouilles. Mais j’entends la population, qui dit que quand elle appelle au commissariat la nuit, les policiers ne viennent pas forcément tout de suite. Il faut comprendre que lorsque la patrouille est occupée à un bout de la zone, elle ne peut pas être immédiatement à l’autre bout.
Est-ce que dans ce cas, la future police de la sécurité du quotidien (PSQ) pourrait être une réponse ?
Véronique Schaaf. Aujourd’hui, partout en France il y a des concertations entre les élus, les collectivités, les services de police et de gendarmerie pour étudier quelles missions, confiées actuellement aux forces de l’ordre, pourraient être transférées et à qui. Je pense aux procurations pour les élections, ou aux escortes des prisonniers à l’hôpital. Les préfets doivent rendre leurs conclusions le 15 décembre et le ministre de l’Intérieur annoncer des mesures début 2018, avec 10 000 effectifs policiers déployés sur 5 ans. Il s’agit d’effectif mais aussi de changement de manière de travailler, de rétablir le lien avec la population notamment. Villeneuve est candidate mais je ne sais pas si des effectifs lui seront attribués dans ce cadre.
(1) Villeneuve (80 km2) + Pujols (25 km2) + Bias (12,45 km2) = 117,45 km2. Paris intra-muros = 105 km2.
Plus de police municipale?
Les 10 policiers municipaux sur le terrain étant désormais armés, est-ce que la police municipale ne pourrait pas patrouiller la nuit ?
La réponse de Patrick Cassany est claire : «Non. Parce que ce n’est pas sa mission. Je rappelle que la loi ne permet pas aux policiers municipaux de procéder à des contrôles d’identité. Ils sont armés pour se défendre s’ils étaient pris pour cible par un terroriste, comme c’est arrivé ailleurs. Par ailleurs, mettre en place des patrouilles nocturnes, cela veut dire doubler les effectifs. Et ça coûte 850 000 €».
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Source:: Participation citoyenne en 2018 pour juguler la délinquance en ville