Jean-Luc Moudenc : « Nous attendons des engagements précis et formels de l’État »
Alors que débute à Cahors la conférence nationale des territoires, le maire de Toulouse et président de France urbaine met la pression sur le gouvernement.
PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÔME CORDELIER
Direction Cahors pour le gouvernement. Accompagné par treize ministres Édouard Philippe défend dans le Lot la feuille de route de l’exécutif pour les territoires ruraux et les villes moyennes qui se sentent laissés de côté. Le Premier ministre préside la conférence nationale des territoires (CNT), qui réunit près de la moitié du gouvernement avec les associations représentant les collectivités et élus locaux. L’objectif prioritaire est de faire le point sur le pacte financier proposé par l’État, dont les collectivités contestent le bien-fondé et les modalités. Président de Franceurbaine, l’association qui regroupe les maires de plus grandes villes, Jean-Luc Moudenc met en garde le gouvernement. Entretien.
Le Point.fr : L’Association des maires de France (AMF), présidée par François Baroin, snobe la nouvelle session de la conférence nationale des territoires qui débute ce 14 décembre à Cahors, en envoyant qu’un simple « observateur ». Y participerez-vous ?
Jean-Luc Moudenc : Oui, nous y serons, et pour en être membre à part entière. Mais nous ne sommes pas dans la même problématique que l’AMF. Le pacte girondin voulu par le président de la République consiste à passer un contrat entre l’État et 320 collectivités, à savoir toutes les régions, tous les départements, les villes de plus de 100 000 habitants et les intercommunalités de plus de 200 000 habitants. Tous les membres de France urbaine sont concernés – quand peut-être seulement 1 % de ceux de l’AMF le sont. Pour nous, la politique de la chaise vide n’est pas une solution.
Vous n’êtes plus irrités contre le gouvernement comme vous avez pu l’être auparavant…
Nous avons été mécontents de ce qui s’est passé cet été et à la rentrée : le gel des crédits, les dispositions sur les emplois aidés, la baisse autoritaire des APL… Rien n’avait été discuté. Mais les tensions se sont apaisées depuis. Contrairement à l’AMF, puisqu’elle est moins concernée, nous avons toujours approuvé la méthode du contrat entre l’État et les plus grosses collectivités. C’est une idée que nous défendons depuis des années. Nous avions même convaincu de sa pertinence Martin Malvy et Alain Lambert (chargés en 2014 par François Hollande d’une mission visant à apporter des réponses à la dégradation de l’état des finances publiques, NDLR), qui l’avaient intégrée à leur rapport – mais le gouvernement d’alors n’en avait pas tenu compte. Nous n’avons aucune raison de changer de position.
Nous n’avons plus le temps d’attendre
Qu’attendez-vous de cette nouvelle conférence des territoires ?
Nous attendons des engagements précis et formels de l’État sur le contenu des contrats à passer avec les 320 collectivités. Nous en débattons depuis trois mois et demi. Il faut maintenant que la discussion se stabilise et se formalise pour arriver à une proposition écrite et claire qui soit celle du gouvernement. Nous n’avons plus le temps d’attendre. Il s’agit de définir le cadre de nos relations pour les trois prochaines années, et ce, dès 2018…
Concrètement, que souhaitez-vous ?
D’abord, que nous nous mettions d’accord sur les modalités pour réaliser les fameux 13 milliards d’économies de fonctionnement, à savoir le 1,2 % d’évolution annuelle des dépenses de fonctionnement. Ensuite, il faut rediscuter le sujet de l’endettement. Le gouvernement veut le limiter, et nous le refusons. Il existe déjà une règle d’or qui est un garde-fou ; pas la peine de rajouter un deuxième verrou qui viendrait fragiliser nos choix d’investissements. Troisième point : nous devons nous entendre sur les conditions du bonus-malus attachées au respect du contrat. Tout cela n’est pas encore fixé. Ensuite, il faut que l’État accepte aussi de s’obliger. L’effort ne peut être le seul fait des collectivités : il ne saurait s’agir d’un contrat léonin, l’État doit s’engager sur une contrepartie. Enfin, nous souhaitons que les collectivités non contractantes, donc celles qui sont de taille budgétaire plus modeste, s’engagent à faire un effort pour contenir l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Il n’y a pas de raison que les contraintes ne pèsent que sur les plus gros.
Une question au responsable des Républicains que vous êtes : la rumeur court à Toulouse que vous seriez sur le départ après l’élection de Laurent Wauquiez. Info ou intox ?
Je suis sur la même position que le président du Sénat. J’ai écrit dimanche une lettre très claire aux militants de Haute-Garonne pour dire précisément ce que je pense. Il faut, d’abord, faire en sorte que la ligne politique qui l’a emportée n’écrase pas les autres sensibilités. Laurent Wauquiez doit être le garant du pluralisme, qui est la condition de notre unité. Ensuite, nous devons maintenir un cap pro-européen. Enfin, je plaide pour que nous devenions un parti de dialogue entre les territoires et non un parti qui opposerait les villes aux campagnes, notamment. Je n’ai aucune raison d’exprimer un préjugé de défiance à l’égard de Laurent Wauquiez. Je formule des exigences de fond qui correspondent à mes convictions, qui n’ont jamais varié. Je ne suis pas dans la fatwa personnelle, et je ne demande rien pour moi.