Depuis le 6 juin, l’église Saint-Joseph de Calais accueille les associations humanitaires tous les jours, à midi.
Les associations distribuent des repas aux migrants à Calais, en avril 2017. / Philippe Huguen/AFP
Elles se tournent désormais vers les églises de Calais. Chassées par les forces de l’ordre devant l’église Sainte-Marie-Madeleine le 5 juin, des associations d’aide aux migrants assurent la distribution de nourriture dans une église voisine, Saint-Joseph, dans le centre de Calais, depuis mardi 6 juin.
Tous les jours vers midi, elles apportent des repas préparés par les bénévoles du Refugee Committee Kitchen et de l’Auberge des migrants à l’aide de camions. Les véhicules peuvent stationner sur le terrain de la petite église jusqu’à 14 heures, après nettoyage des lieux.
« Nous apprécions beaucoup l’aide apportée par l’Église, confie Loan Torondel, coordinateur de terrain au sein de l’association l’Auberge des migrants. Ce sont les belles valeurs de solidarité chrétienne qui s’expriment ». Les repas – entre 50 et 300 selon les jours – peuvent ainsi être distribués « en toute tranquillité ». « C’est un soulagement, pour les migrants comme pour les associations. Cela fait deux semaines que nous sommes en” guerre” avec la police, qui nous empêche d’assurer correctement la distribution du repas de midi. »
La préfecture du Pas-de-Calais a confirmé, mardi 6 juin, le caractère privé de la distribution des repas sur le terrain, propriété de l’association diocésaine. Pourtant, la police municipale est intervenue le jour même, lors de la distribution, avant d’être renvoyée par les bénévoles.
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Un arrêté municipal décrié
Depuis la mise en place de l’arrêté municipal du 2 mars, qui concerne la zone industrielle des Dunes occupée par une majorité de migrants et qui avait été cassé par le tribunal administratif de Lille trois semaines plus tard, les forces de l’ordre continuent à perturber les opérations de distribution de nourriture.
La maire LR de Calais, Natacha Bouchart, avait justifié sa décision au motif que les rassemblements de migrants « sont de nature à engendrer des tensions permanentes entre les ethnies en présence et ont par le passé dégénéré en rixes (…) mais également provoqué des incendies et des explosions. »
Depuis deux semaines, la police intensifie ses interventions en interdisant l’accès à de nouveaux sites. Alerté par le Secours catholique, le Père Jean-Marie Rauwel, curé de Saint-Joseph, a autorisé les associations d’aide aux migrants à utiliser le terrain de Saint-Joseph.
« On ne peut pas laisser ces gens mourir de faim alors qu’ils n’ont plus rien, même pas un accès à l’eau courante », explique-t-il. Selon lui, la police interviendrait aussi le matin dans certaines zones pour empêcher la distribution des petits-déjeuners.
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« Une situation inhumaine préoccupante »
La situation préoccupe les responsables d’Église sur place. Le Père Philippe Demeestère, un jésuite collaborateur de la paroisse du Père Rauwel, accueille les associations, à midi, à Saint-Joseph et assiste à chaque distribution de repas. « Il est important que l’Église apporte son aide et son soutien dans cette crise. Nous prions également beaucoup avec les migrants », indique-t-il.
Le jésuite évoque aussi la nécessité d’ouvrir le dialogue avec les membres de l’église Saint-Joseph. « Tout s’est fait très vite sous la pression des événements. Il est donc important de rendre compte de la situation aux paroissiens et d’écouter leur avis. C’est pour cela que, le 9 juin, le Père Rauwel et moi-même avons organisé une réunion au doyenné de Calais », précise le Père Demeestère.
Le même jour, une dizaine de doyens du diocèse d’Arras ont évoqué les événements au cours d’une rencontre. « La situation à Calais est inhumaine et préoccupante, déclare Stéphane Leleu, délégué diocésain chargé de l’Apostolat des laïcs et de la pastorale des migrants. L’évêque Jean-Paul Jaeger a fait parvenir un mot de soutien au Père Rauwel ».
Une autre réunion au diocèse d’Arras, en présence des membres de la pastorale des migrants, s’est tenue dès le lendemain de la rencontre, dans le but de mener des « discussions utiles autour de cette situation de crise ». Selon les associations, entre 300 et 400 migrants seraient revenus à Calais depuis le démantèlement de la « jungle » en octobre 2016.