À Toulouse, ils racontent leur guerre contre les terroristes de Daech
Révolutionnaires antifascistes, trois jeunes militants, en escale à Toulouse, ont rejoint entre 2016 et 2017 le Kurdistan pour combattre Daech. Récit de leur vie de soldats.
Ils ne portent ni gilet pare-balles ni arme lourde. Arthur, Siyah et Arges, respectivement 28, 22 et 29 ans, ont plutôt les traits d’étudiants frais émoulus sortis d’une prestigieuse business school. Traits lisses, coupes de cheveux impeccables malgré une courte nuit de sommeil. Ces trois «camarades» sont pourtant des soldats rompus à l’art de la guerre au Kurdistan. Révolutionnaire anarcho-communiste et antifasciste en escale à Toulouse, ce jeudi 7 juin, ce trio militant que nous avons rencontré dans le quartier Arnaud-Bernard, raconte son adhésion dans les rangs des combattants kurdes au Rojava, dans le Nord syrien et son combat contre les soldats de Daech, entre 2016 et 2017. «Il y a tellement de gens qui se disent révolutionnaires et qui ne font rien. Dans le Nord syrien, la région est infestée d’ennemis, pourquoi les gens qui nourrissent un idéal révolutionnaire ne partent pas là-bas ?», s’interroge Arges, Américain, originaire de Chicago, arborant fièrement sur son bracelet le portrait de Ocalan, le leader historique du PKK, organisation considérée comme terroriste par la Turquie.
Formation tactique et idéologique
Arme lourde à la main, Arges a ouvert le feu sur des jihadistes. «J’ai tué mais c’était la guerre et je ne me suis pas posé de questions.» Le danger est aussi sous terre. «Les mines ! Il faut apprendre à les déceler, on est entraînés pour cela.» Dans le Nord syrien, «j’étais soldat sur la ligne de front et vivais ma vie de combattant après une formation tactique et idéologique», poursuit Siyah, ancien étudiant français en géopolitique. Militant antifasciste il a fait des soldats de Daech ses premiers ennemis. À Raqqa, capitale autoproclamée de l’État islamique en 2014, Siyah les a vus et combattus aux côtés des unités de protection du peuple (YPG) qui forment la branche armée du parti de l’union démocratique syrien. Elles se sont formées en 2011 lors de la guerre civile syrienne. C’est notamment ces troupes qui ont capturé le jihadiste albigeois en décembre 2017, Thomas Barnouin. Sur le front, «il y avait des jihadistes français parmi les combattants de Daech. J’en ai vu deux. Ils ont une réputation de petites frappes qui veulent jouer dans la cour des grands et s’octroyer tous les droits notamment sur les femmes. Ils prétendaient trouver là-bas un statut sociomilitaire qu’ils n’auraient jamais eu ailleurs. Mais certains ont très vite déchanté. Et maintenant, ils n’assument plus ce qu’ils ont fait». Arthur, Belge de 28 ans, appartient au courant alternatif libertaire. De mars 2017 à novembre 2017, il a participé à l’opération de Raqqa «par engagement idéologique», sensibilisé à la cause kurde, peuple d’environ 40 millions de personnes répartis sur quatre pays (Turquie, Iran, Irak et Syrie). Pour ces trois combattants, le grand saut idéologique vers le Kurdistan s’est fait sur internet. «J’ai envoyé un mail à YPG International, explique Siyah. Puis en retour on reçoit un questionnaire où notre profil psychologique est évalué. On nous explique qu’il faudra se libérer de telle date à telle date. Lorsque la demande est validée, cela peut prendre 6 mois, le voyage commence en bus et en avion jusqu’en Irak où un référent vous récupère.» Droit des femmes, démocratie directe et soutien total à l’instauration d’un système confédéral des communes «où le pouvoir s’exerce à l’échelle du plus bas», autant de causes kurdes à défendre pour ces trois soldats voulant incarner l’esprit de la jeunesse révolutionnaire.