Agressions sexuelles sur mineurs : établir le non consentement le 11 décembre 2017 – Caroline THERMOZ-LIAUDY
C’est un combat de près de 15 ans que mène l’association « SOS inceste » pour protéger les mineurs des crimes sexuels, incestueux ou pas. Dans sa ligne de mire, l’établissement d’un âge limite, en dessous duquel un tribunal ne devra plus se poser la question d’un potentiel consentement des victimes. L’association organisait une conférence-débat à la Maison de l’avocat de Grenoble jeudi 7 décembre.
La volonté d’Eva Thomas est à la fois celle de protéger les enfants des prédateurs, et d’aider les jeunes victimes d’agressions sexuelles à se reconstruire autant que faire se peut. C’est aussi pour cela que celle qui est fondatrice de l’association « SOS Inceste » a organisé le 7 décembre dernier, une conférence-débat sur les moyens de faire évoluer la législation française. « Mon groupe et moi avions rédigé une proposition de loi en 2004 sur le non consentement des mineurs. Mais sa présentation a malheureusement eu lieu au moment de l’affaire d’Outreau, qui a rendu le passage de la loi impossible. 10 ans plus tard, on a repris le combat, en actualisant les propositions, mais rien ne s’est passé. »
Aujourd’hui il semble que les choses bougent. La question du non consentement des mineurs sera prochainement portée par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat en charge de l’égalité Femme/Homme. Mais reste à s’accorder sur l’âge jusqu’auquel, on considère que l’enfant n’a pas le discernement nécessaire pour consentir à un rapport sexuel avec une personne plus âgée. Un âge de consentement qui pourrait être différent de la majorité sexuelle, fixée en France, à 15 ans. « La psychiatre Muriel Salmona a beaucoup travaillé sur la mémoire traumatique, et a prouvé que lors d’un viol, le cerveau interrompt le système émotionnel pour limiter le traumatisme autant que possible. On peut aujourd’hui visualiser sur des IRM ces épisodes, où les victimes sont comme sorties de leur corps. Elles ne parviennent plus à fuir, d’où la confusion avec le consentement ».
Faire changer la loi
Outre les situations d’inceste, de toute façon condamnées, la volonté de l’association est donc de faire changer la loi, pour que les textes intègrent le fait qu’en dessous d’un certain âge, l’enfant n’a pas le discernement nécessaire pour consentir à un rapport sexuel. Une limite qui permettra non seulement aux enfants d’être toujours présentés comme de véritables victimes, mais aussi aux auteurs d’être condamnés. Me Hélène Marce, avocate honoraire explique : « aujourd’hui, un viol est considéré dans les textes comme un acte sexuel qui a lieu sous la contrainte, la menace, la surprise ou avec violence. Un pédophile sait très bien détourner les quatre. Il agit dans la douceur, presque jusqu’à susciter une fascination de l’adolescente. C’est pour cela que le non consentement doit être adopté ».
Une telle mesure existe déjà pour les mineurs jusqu’à 10 ans. « Alors quid des jeunes filles de 11 à 15 ans ? » interroge-t-elle après avoir soulevé un point glaçant : « En 2014, nous avons rencontré la commission Lanzarote, qui veille à la protection des enfants en Europe. La présidente m’a clairement dit que la France était connue pour avoir des soutiens au plus haut niveau dans les milieux pédophiles. Qui protège-t-on ? […] Nous ne parlons pas de sanctions, car c’est le travail des magistrats. Mais on ne veut plus de débats interminables. On veut qu’une agression soit un délit quand il n’y a pas de pénétration, et un crime quand il y en a une ».
Une inscription dans la loi, qui pourrait aussi avoir un caractère préventif, explique cette fois le Dr Danielle Durant-Poudret, psychiatre, qui a longtemps travaillé dans le milieu pénitentiaire. « Plus de 50 % des auteurs de violences sexuelles sur mineurs en ont été victimes durant leur enfance. Ce sont souvent des enfants qui n’ont pas grandi avec l’écoute et l’attention suffisante pour détecter ce problème. »
Caroline Thermoz-Liaudy