Angoulême: les gendarmes et les branleurs
L’arrêté municipal et le dispositif spécial de sécurité n’ont pas effrayé les lycéens. Les jets de farine ont fusé entre une centaine de rebelles hier. Poursuivis par les policiers dans le dédale des ruelles.
Des policiers à vélo fondent sur un groupe de jeunes qui s’enfuient en gloussant dans les artères de la Vieille Ville, en lâchant ici et là un peu de farine. Un instantané du Père Cent, pris hier matin à 7h20 devant la cathédrale Saint-Pierre. Une image classique, que la municipalité ne souhaitait plus voir à Angoulême. Un arrêté a été pris le 7 mars pour interdire ce rassemblement censé célébrer à grand renfort d’œufs et de poudre blanche le 100e jour avant le bac.
Une centaine de lycéens ont donc bravé l’interdit. Des jeunes, pour la plupart scolarisés à Guez-de-Balzac et à Saint-Paul, se sont réunis dès 7 heures devant le conservatoire, habillés de blouses blanches, masqués pour certains. Un automobiliste s’arrête, baisse sa vitre et dit: «Autant de flics pour le Père Cent, mais où on va?»
Les quatre équipages de la police municipale, dont une patrouille en voiture, vont assurément dans la direction des joyeux fuyards. «On était prêt tôt ce matin, on s’attendait à ce qu’ils soient là , glisse le chef Olivier Billy. On leur met une bonne pression.»
Vendredi dernier, date habituellement choisie pour le Père Cent, les lycéens n’ont pas sorti le bout de leur nez. Les policiers ont patrouillé par précaution toute la journée. La police nationale et l’équipe mobile de sécurité (EMS) de l’académie sont également mobilisées, comme le prévoit un dispositif mis en place depuis plusieurs mois (lire CL du 9 mars).
Un jeu du chat et de la souris s’instaure pendant une heure entre les rebelles et les forces de l’ordre. Une brigade s’engage en voiture à la suite des lycéens rue du Minage. Mais une camionnette, stationnée 50 mètres, plus loin, les oblige à rebrousser chemin. Les jets de farine fusent ici et là. Peu sur les voitures, beaucoup sur des camarades et des visages connus. Et quasiment aucun œuf.
L’ambiance est plutôt bon enfant. Des copines de Guez-de-Balzac reprennent leur souffle rue Poissonnière. «On s’est tous mis d’accord pour un Père Cent gentil cette année. On vient de se faire arrêter par la police, ils nous ont juste dit de ne pas obstruer la circulation.»
Les agents municipaux confisquent les sacs de farine. «C’est assez calme, confirme l’un d’eux. On leur demande surtout de retirer leur masque.» Quatre ados viennent d’être pris. Ils s’étaient cachés dans un garage ouvert.
Les rondes continueront toute la journée. Des bruits courent: des prolongations seraient prévues à 16 heures place du Minage et à 17h30 aux Chais Magelis. Mais à chaque fois, les policiers sont présents. Les élèves introuvables.
Les participants l’avouent: les mesures de la mairie et les sanctions promises par les établissements ont dissuadé les troupes. «On s’oblige à aller en cours, on ne veut pas risquer d’être exclu pendant trois jours», admet une lycéenne.
Des états d’âme qui avaient été plutôt rares l’an dernier, quand les affrontements se déroulaient sous la fenêtre du maire. Les enfarinés ont un an pour s’organiser. Car vu les échos glanés au détour des ruelles, le Père Cent n’est pas prêt de s’arrêter.