Drapeau polonais, breton ou marocain? Pas question. Pétales ou riz? Pas dans les jardins ni dans les rues. Cinq minutes de retard? Mariage reporté! Klaxons, cornes de brume, motos, quads ou pétards? Quatre fois non. Suite à plusieurs « dérives » et « débordements » constatés ces derniers mois lors de mariages, Angoulême a décidé de recadrer les choses en adoptant une charte obligeant les futurs conjoints ou participants aux cérémonies républicaines (baptêmes ou PACS) à respecter un certain nombre de règles (lire encadré ci-dessous).
Si la plupart des dispositions relèvent d’infractions au code de la route, d’autres, comme le bruit ou les drapeaux étrangers, ne contreviennent en rien à la loi. Concernant les drapeaux, un projet de loi avait été avancé puis abandonné en 2009. La mairie d’Angoulême a ainsi fait le choix de copier ce que d’autres villes ont mis en place depuis quelques années (lire encadré) mais que l’on ne retrouve nulle part en Charente ni même dans les départements limitrophes.
Des précédents retentissants
On se souvient du cas de Nice où Christian Estrosi, le maire avait carrément pris un arrêté – plus contraignant qu’une charte – en 2012 pour s’opposer aux «mariages bruyants» et aux «drapeaux étrangers». À l’époque, des élus de l’opposition avaient dénoncé des «bombes sales», une «volonté de stigmatiser.»
Ailleurs, au début des années 2010, à Roubaix ou à Maubeuge, les municipalités avaient carrément décidé d’interdire les mariages le samedi après-midi. Depuis, des chartes ont fleuri un peu partout, notamment en région parisienne, dans le sud de la France et dans de grandes villes comme Lille, Strasbourg ou Lyon.
Une des plus récentes, c’est Toulouse qui a voulu marquer sa volonté de «mettre fin aux insultes, bruits et stationnements anarchiques autour du Capitole, notamment les samedis» avec l’adoption d’une charte équivalente à celle d’Angoulême. Reste la question de l’efficacité de ces mesures.
Plusieurs médias ont tenté de la mesurer et le constat est assez unanime : ça ne change pas grand-chose. «On préfère faire de la prévention plutôt que de créer un point de crispation inutile», fait-on observer à la mairie de Poitiers.
La charte avance les « valeurs de la République » et certaines « règles de sécurité, de civilité et de citoyenneté ». La délibération a été votée lundi à l’unanimité. « Il y a eu trois cas de déploiements de drapeaux étrangers ces derniers mois. Mais il y a aussi les blocages de bus par des cortèges garés n’importe comment, les mariés qui arrivent avec un quart d’heure de retard, le riz dans les jardins, le bruit. On a voulu calmer les choses », détaille François Elie, adjoint en charge notamment de la qualité du service public. Il a piloté le groupe de travail qui a rédigé la charte. Il ajoute que « Si les gens veulent se marier sous une autre loi que la loi française, il y a les consulats. »
Kader Bouazza, élu de l’opposition et président du conseil régional du culte musulman, était aussi dans le groupe de travail. Il assume: « Après un ou deux mariages qui n’ont pas été de bonne tenue, il y avait un risque de dérapage. L’hôtel de ville est un endroit qu’il faut respecter. Il ne doit pas y avoir d’autres drapeaux que ceux de la France et de l’Europe. Cette charte est la bonne réponse pour prévenir des incivilités », souligne le conseiller municipal.
Xavier Bonnefont, le maire, a présenté la délibération lundi en quelques mots rappelant que plus de 150 mariages civils et cérémonies républicaines sont célébrés chaque année à l’Hôtel de Ville d’Angoulême : « Il est primordial que les cérémonies se déroulent dans un cadre à la fois convivial et solennel, mais aussi respectueux des règles applicables aux événements se déroulant dans un édifice communal ouvert au public. »
Contacté après le conseil, le maire explique sa décision « Oui il y a eu quelques soucis, des plaintes de commerçants ou d’habitants du centre-ville. On a même connu des bouchons énormes causés par des voitures garées n’importe où », reconnaît le maire sans entrer dans le détail. Il motive l’élaboration de la charte : « On ne souhaitait pas quelque chose de négatif mais rappeler un certain nombre de règles. On s’est inspiré de chartes mises en place dans d’autres villes. Ces moments doivent se vivre comme il se doit. La portée de cette charte est symbolique. » Portée symbolique mais charte bien réelle.
Le groupe était constitué, outre Kader Bouazza, de deux autres élus de la majorité, Isabelle Lagrange et Patrick Bourgoin. « Il n’y a rien eu de très grave mais de petites dérives qu’il fallait recadrer. On ne veut pas en venir à faire intervenir la police municipale pour des mariages! Cette charte va permettre de faire de la pédagogie, de la prévention », indique Isabelle Lagrange. Patrick Bourgoin esquive : « On ne va pas en parler 107 ans. Tout le monde était d’accord, l’affaire est close! »
Si tout le conseil a effectivement voté pour cette délibération, certains élus émettent des bémols. Après coup. Samuel Cazenave, le premier adjoint : « La demande m’a surpris. Je ne voudrais pas que comme dans le cas de la clause Molière [Ndlr. mesure initié par Vincent You, autre adjoint, et mise en place à Angoulême visant à imposer l’usage du français sur les chantiers publics], sous certains prétextes, on pointe des personnes. Je peux comprendre le sens de la charte mais je ne sais pas si un texte était nécessaire. Oui un drapeau étranger dans une salle de mariage ce n’est pas acceptable mais la réponse n’est pas seulement de principe, elle doit être plus subtile. C’est comme le burkini, au final la jurisprudence qui s’est imposée ce n’est pas de l’interdire. »
Quand on lui fait remarquer qu’il a voté la délibération, Samuel Cazenave répond : « C’est vrai. J’ai demandé à Xavier [Bonnefont] et à François [Elie] qui m’ont dit que c’était symbolique. » Comme lui Frédéric Sardin ou Françoise Coutant, membres de l’opposition, ne sont pas convaincus à 100%. L’élue écologiste pèse ses mots: « J’aurais aimé que ça se règle en préventif. Cette charte ne me choque pas mais c’est à la fois délicat et dommage d’en arriver là. »
Les interdits de la charte angoumoisine
La charte «pour un déroulement paisible des mariages et des cérémonies républicaines à l’hôtel de ville d’Angoulême» a été votée lundi. Pas encore en ligne sur le site de la mairie, elle sera soumise aux futurs conjoints et participants aux cérémonies.
Trois chapitres sont listés. D’abord l’accès à l’hôtel de ville et le stationnement. On y apprend que le salon des mariages est limité à 200 personnes, que seul le stationnement des futurs conjoints et des personnes à mobilité réduite est autorisé dans la cour. Il est précisé que les véhicules du cortège doivent stationner sur des emplacements autorisés. Concernant le déroulement de la célébration, il est indiqué que «les futurs conjoints et leurs témoins doivent arriver au plus tard 5 minutes avant l’heure fixée» sinon «la cérémonie pourra être ajournée et reportée à une date ultérieure.»
L’utilisation d’instruments de musique en extérieur est possible sur «demande expresse.» Par ailleurs, l’officier d’État civil «ne doit pas être dérangé par des interventions bruyantes» : «En cas de désordre, de menace ou de non-respect de l’ordre public, l’Officier se verra contraint de surseoir à la célébration du mariage.» Autre interdiction : «le déploiement de drapeaux étrangers ou banderoles sur le parvis, la façade et à l’intérieur de l’hôtel de ville». Le jet de pétales en papier ou de riz n’est lui autorisé que dans l’enceinte de l’hôtel de ville mais «formellement interdit ailleurs» notamment dans les jardins. Il est spécifié que le cortège doit respecter le code de la route, l’obstruction de la circulation étant interdite : «Tout débordement ou bruit excessif, notamment l’utilisation intempestive de quads, motos ou l’usage continu d’avertisseurs sonores, ou de pétards, sont interdits en centre-ville.»