30/11/2015 – 08H30 Rennes (Breizh-info.com) – L’annonce faite par François Hollande concernant les possibilités d’armer les polices municipales n’est pas vraiment une nouveauté. En effet, l’article L412-51 du code des communes prévoit déjà : « Lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l’existence d’une convention prévue par l’article L2212-6 du code général des collectivités territoriales. ». Pour être mise en place, cette autorisation d’armement prévoit : « la signature préalable, avec le représentant de l’État, d’une convention de coordination et l’agrément individuel de chacun des agents pour lequel une autorisation de port d’arme est sollicitée.».
Rien de nouveau sous le soleil donc, si ça n’est quelques moyens financiers supplémentaires et un effet d’annonce – les policiers municipaux n’étant pas destinés à être équipés d’autres armes que des catégories B (exemple : port des revolvers calibres 38 Spécial, 357 magnum et 7,65 mm ) ainsi que par des gilets pare-balles.
À Béziers, il y a déjà presque un an, le maire Robert Menard (RBM) s’était attiré les foudres de la presse bien pensante et de certains politiciens locaux pour avoir décidé d’armer la police municipale de sa ville. De là à dire que François Hollande a « épousé la bête immonde au ventre toujours fécond » … En 2013, la Gazette des communes rapportait que déjà 39% des policiers municipaux étaient équipés d’une arme à feu.
Pour la Bretagne, la liste de l’ensemble des polices municipales existantes (mise à jour en 2012) est disponible ici et ici pour les Pays de la Loire. Au dernier recensement de 2012, il y avait ainsi 413 policiers municipaux (PM) et 14 gardes champêtres (GC) et un taux d’armement à feu de 10% (41 policiers armés). En Loire-Atlantique, il y avait 274 policiers municipaux (dont 90 à Nantes) , 2 GC, et 105 ASVP (donc 80 à Nantes) avec un taux d’armement à feu de 15%.
Certaines communes, comme Cesson-Sévigné près de Rennes, arment leur police municipale depuis bien longtemps déjà. « Ça permet de nous protéger, nous, en premier, parce qu’on a un uniforme, et puis de protéger également le citoyen» indique un policier municipal local.
A Sarzeau, la décision a été prise fin septembre par le conseil municipal, contre l’avis de la gauche qui y voyait là « une répression pouvant amener l’escalade de la violence» là où les élus majoritaires y voyaient une nécessité pour faire face à des comportements violents d’un nouveau type. Désormais, les policiers sont équipés de revolvers et de gilets pare-balles.
Si des communes de taille moyenne comme Carnac, La Turballe ou encore Pontivy (dont l’adjoint chargé de la sécurité nous a confirmé la réussite) ont équipé leurs policiers en armement à feu, les grosses villes bretonnes, gérées par le Parti socialiste, sont réticentes.
A Rennes, un débat a eu lieu en conseil municipal, opposant une droite pour l’armement, et une majorité de gauche contre. Alors que l’opposition entendait vouloir protéger ses policiers, Nathalie Appéré et son équipe – qui font pourtant face à des épisodes récurrents de violences au sein de la capitale bretonne – ont refusé catégoriquement, arguant du besoin d’une « police de tranquilité » plutôt que « d’une police de maintien de l’ordre » (sic).
Des situations divers en fonction des départements
A Vannes, le maire David Robo (LR) – alors que la commune connait de nombreuses violences et incivilités – se refuse à armer ses policiers municipaux, y compris depuis les attentats. Le service de communication de la mairie est, comme à son habitude, muet à ce sujet. Une partie des PM sont toutefois équipés de gilets pare-balles , ce qui n’est pas du goût du syndicat Force Ouvrière qui a vivement réagi la semaine dernière estimant que les agents de PM n’étaient pas assez protégés. Les communes de Crac’h, Locmariaquer et Saint-Philibert, qui mutualisent leurs moyens, ont fait la demande pour armer leur police municipale et en ont reçu l’autorisation il y a peu.
A Lorient, porté par son angélisme traditionnel de gauche, Norbert Métairie refuse d’armer sa police municipale. Il s’est même fortement emporté en conseil municipal récemment, alors que les élus FN réclamaient plus de policiers municipaux et plus de moyens à la suite des attentats de Paris. Dans le Pays de Lorient, seul Inzinzac-Lochrist envisage d’équipe son agent municipal.
A Saint-Nazaire, Jean-Claude Blanchard (élu FN) nous a confirmé qu’une police municipale allait voir le jour en 2016 , sans toutefois nous indiquer si elle serait (ou pas) armée. Dans le reste de la Loire-Atlantique, Chateaubriant, La Chapelle-sur-Erdre, Saint-Brevin, Saint-Etienne-de-Montluc et Sainte-Luce-sur-Loire et Sautron disposent d’agents équipés d’armes à feu. Carquefou, Donges, Basse-Goulaine, Haute-Goulaine ont fait une demande. A Nantes, la municipalité socialiste ne souhaite pas non plus armer et protéger sa police municipale.
A Saint-Brieuc, il n’est pas question pour le moment, dans cette municipalité dirigée par le centriste Bruno Joncour, d’armer la police municipale. Ce qui n’est pas du goût de certains riverains et commerçants : « pour mettre des amendes et faire la chasse aux mauvais stationnements, il y a du monde. Par contre, quand il s’agit de lutter contre la délinquance, les agents de police municipale ne sont pas formés pour cela. …» nous indique un employé de banque, excédé par les amendes récurrentes qu’il prend dans le centre-ville. A Dinan, malgré là encore des problèmes récurrents dans le centre-ville, pas question d’armer la police municipale : « la menace n’est pas identique à Dinan qu’en région parisienne » indique M. Lechien, qui en oublierait presque les incidents de cet été quand des « jeunes » s’en sont pris à des passants, puis à la gendarmerie.
Dans le reste des Côtes d’Armor, c’est à Perros-Guirec que l’on retrouve des policiers municipaux armés, mais également à Loudéac. D’autres demandes seraient cours .
Dans le Finistère, ni Brest, ni Quimper ne possèdent de police municipale. François Cuillandre, taxée de laxiste par son opposition sur la sécurité à Brest, n’en veut pas, tout comme Ludovic Jolivet à Quimper; à Morlaix, Agnès le Brun (LR) a décidé la semaine dernière en conseil municipal de ne pas aller vers l’attribution d’armes à feu pour sa police municipale jugeant que cette dernière devait être avant tout « de proximité ». Ses policiers municipaux sont toutefois équipés depuis février de gilets pare-balles.
Des armes obsolètes
Pour l’Union Syndicale Professionnelle des Policiers Municipaux, c’est de toute façon une réforme de fonds qu’il faut mener, et généraliser : « A l’heure actuelle aucun policier municipal armé ou pas, ne dispose des moyens de pouvoir prétendre à faire échec à de telles attaques, ni même au mieux, de pouvoir en limiter les conséquences pour les citoyens, les armes dont sont dotés les policiers municipaux et celles qui sont mises à leur disposition par le ministère de l’Intérieur sont obsolètes et ne correspondent plus à la réalité du terrain et le citoyen doit en avoir conscience. Les policiers municipaux garants des lois républicaines ne demandent qu’à disposer des moyens de PROTEGER les citoyens et non de rester dans la situation qui est la leur actuellement faute de volonté politique, celle de l’impuissance, ce qui est inacceptable.» indique le syndicat dans un communiqué. Pour la CFTC Police municipale, les annonces du président de la République déçoivent : « Nous espérions une prise de décision pour un armement obligatoire sans conditions de la part de l’exécutif.»
Durant notre enquête, nous avons toutefois constaté une chose : bien souvent, les élus qui gèrent la police municipale ne disposent pas forcément de toutes les compétences professionnelles permettant de gérer les policiers municipaux qui eux mêmes sont globalement demandeurs de formations supplémentaires.
Il en résulte une influence évidente des étiquettes politiques et idéologiques locales sur les polices municipales, avec parfois pour les policiers le sentiment d’être pris en otage par ces considérations politiques.
« Nous allons quand même dans le bon sens » indique un policier municipal rennais. « Les petites communes montrent la voie, les grandes n’auront pas le choix, à moins de vouloir définitivement se couper de leur population, qui attend plus de sécurité , surtout au vu les évènements actuels » explique celui qui conclut en nous disant que « l’opposition entre police armée et police de proximité n’a aucun sens. On peut être proche de la population tout en étant muni d’armes à feu ».
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