Au Havre, il cognait sa belle-fille de 2 ans
Justice. Âgée de 2 ans, la Havraise avait dû subir nombre de blessures. Dont personne n’assume les responsabilités.
Sur le crâne, à une lèvre, au menton, à la racine du cou, à la poitrine, à des doigts, à un orteil. Les lésions sur la petite de 2 ans et 3 mois sont listées par les médecins. Il y a aussi cette fracture à laquelle le beau-père du moment donne une explication incroyable. Il est poursuivi devant le tribunal correctionnel du Havre pour des « violences par ascendant » qui ont entraîné une incapacité de travail de 21 jours. La mère doit répondre de « soustraction par un parent à ses obligations légales ».
À 27 mois, elle perd le dixième de son poids
« Vous dites que votre petite fille avait peur de monsieur, mais en même temps vous la lui laissiez tous les jours », ne peut comprendre Me Agathe Frémy qui représente la victime à l’audience. En mai 2014 au Havre, les urgences pédiatriques reçoivent enfin l’enfant accompagnée par un proche de la mère. Aussitôt, le personnel soignant constate une absence de suivi depuis un trop long moment. Le carnet de santé n’est pas à jour, les vaccins non plus. Surtout, en deux mois, la gamine de 27 mois a perdu 850 grammes. « Le dixième de son poids », martèle Me Frémy. La mère se présente à l’hôpital. Si elle est en pleurs à la barre, elle est « sans réactions » ce jour-là, selon le long rapport de l’établissement de soins. « Un rapport d’une telle longueur c’est rare, par des médecins qui sont habituellement plus prudents à dire ce qu’ils pensent », retient le président. L’hôpital va jusqu’à parler d’un « détachement » de la mère de 28 ans. Elle n’offre aucune explication. Prostrée, sa petite préfère rester avec les infirmières, plutôt que la rejoindre. Le procureur est alerté. Une ordonnance de placement provisoire est délivrée. « C’est le moment, madame. Il va falloir dire les choses », sollicite le président.
Elle avait peur de lui
Jupe et chemisier cintrés, Tiffany estime que sa petite avait pour habitude de sauter de son lit et aurait pu se blesser, sans pleurer. Et puis, la jeune femme aussi frêle que tremblante finit par se tourner vers Mathieu, 28 ans. Amants durant trois mois, celle qui originaire de Lille est venue vivre avec lui au Havre. Il admet que la petite avait peur de lui. En raison de sa « grande taille » et de sa « grosse voix », promet-il. La fracture ? Peut-être lorsqu’il l’a prise par les poignets, énervé qu’elle ne marche pas. La blessure à l’orteil ? En raison du frottement des chaussures. Les lésions au cou ? « Involontairement en lui relevant la tête. » Après avoir demandé à Tiffany de décrire Mathieu, le président demande au Havrais de se décrire lui-même. « Vous êtes plutôt zen, sympathique, aimable, colérique… ? » Le juge sait que la mère de l’intéressé l’a désigné comme pouvant être violent. « Je suis plutôt apaisé, mais… » Mathieu, père d’un enfant, avoue qu’il lui arrive de cogner dans les portes. Il nie toute violence, « tout du moins sur la petite ».
Pour Me Floriane Riffelmacher qui assiste la mère, « monsieur, il en imposait à madame ». L’avocate évoque une « soumission » au concubin, une « emprise ». Cela en fait sourire la défense du Havrais. « On se croirait dans un film », balaye Me Nathalie Michel. « Quand elle rentrait des courses, il arrivait que l’enfant soit blessée et monsieur avait toujours une excuse », ajoute Me Riffelmacher. Reconnus coupables de soustraction à ses obligations pour l’une et de violences pour l’autre, chaque prévenu au casier vierge écope de quatre mois de prison avec sursis. « Le médecin a été formel : les blessures ne pouvaient pas avoir une origine accidentelle », a rappelé la procureure. La victime et son père seront à indemniser.
Matthias Chaventré |