Avec une caméra et une police municipale, Tigery déclare la guerre à la prostitution
La commune a installé une caméra et une pancarte annonçant aux clients des prostituées qu’ils sont filmés. En novembre, une police municipale sera créée pour tenter d’enrayer le phénomène.
« Clients de prostituées ici vous êtes filmés ». Le panneau installé rue des Vignes à Tigery a le mérite d’être clair. Et comme il l’indique, il s’accompagne d’un dispositif de vidéosurveillance. A trois mètres de haut, accrochée à un mat, la caméra installée il y a deux semaines domine le carrefour situé à deux pas du pont sur lequel passe la D 33, à l’orée de la forêt de Sénart.
La loi du 13 avril 2016 précisant que l’achat d’acte sexuel est une infraction punie d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros est aussi rappelée. De quoi éloigner les prostituées et plus particulièrement leurs clients, dont la présence devient un véritable problème pour les riverains. Une police municipale sera également mise en place l’année prochaine pour lutter contre ce phénomène.
« Depuis, il n’y a plus de filles à cet endroit, se réjouit une habitante de la commune vivant à quelques centaines de mètres de là. On se demande tous si cette caméra est branchée, mais ce n’est pas très important puisque l’effet voulu est là. »
Cette offensive a été imaginée par la mairie de Tigery. Germain Dupont, adjoint au maire (SE) en charge de la sécurité, en a eu l’idée après plusieurs échanges avec les services de l’Etat qui n’aboutissaient pas à grand chose. « En août, nous avons reçu un courrier du ministère de l’Intérieur nous expliquant, pour résumer, que la prostitution était autorisée et que seuls les clients étaient en infraction, indique-t-il. On nous a aussi dit qu’en un an, il y avait eu 16 verbalisations à Tigery et que le travail était fait… »
La réponse ne satisfait pas l’équipe municipale d’autant que depuis deux ans, Jean Crosnier, le maire (SE) de Tigery ne cesse d’alerter la préfecture. Il a écrit plus de cinquante courriers sur le sujet. Germain Dupont poursuit : « Nous avons donc installé ce poteau, cette pancarte et cette caméra. Le but est surtout de rappeler aux clients qu’ils encourent une amende. »
Robert, un riverain, semble soulagé qu’une initiative soit enfin prise : « Avant, il y avait au moins trois ou quatre filles à ce carrefour, rappelle-t-il. Maintenant, elles sont parties ailleurs ». Pas si loin que ça cependant, puisqu’il suffit de faire une centaine de mètres sur la D331, qui longe la D 33, pour croiser deux femmes installées en dehors du champ de vision de la caméra.
« Cet endroit est une entrée de ville. Je leur ai déjà demandé d’aller plus loin dans des endroits où les familles ne les voient pas, souligne Germain Dupont. Mais rien n’y fait. L’autre jour, il y en avait une à 200 m d’une école. Nous sommes impuissants politiquement face à ce phénomène. » Mais le nouveau dispositif semble enfin porter ses fruits. Une étude est même déjà en cours pour déterminer les lieux stratégiques où pourraient à terme être installées d’autres caméras.
Bientôt une police municipaleSi la grosse partie des nuisances sont causées par les clients et rôdeurs que ce commerce particulier draine, il existe aussi une nuisance liée aux dépôts sauvages de détritus et aux sacs-poubelles que les filles peuvent laisser derrière elles, parfois en pleine nature. Aurore, habitante d’une commune voisine, se promène souvent en forêt de Sénart et elle se dit « horrifiée par ce qu’elle retrouve ». « J’ai toujours un petit sac avec moi et je ramasse ce que je peux, comme les cartons d’emballages de préservatifs ou les bouteilles en plastique », explique-t-elle.
Pour continuer à mettre la pression sur ce qu’elle considère être un problème majeur, la ville de Tigery va dégainer une nouvelle arme en novembre avec la création d’une police municipale. Un seul agent arrivant de la police nationale va commencer le travail et recruter une équipe. « Sa première tâche sera d’aller avec la voiture sérigraphiée là où sont les prostituées, précise Germain Dupont. Le but est de faire fuir les clients. S’il n’y a plus de client, il n’y aura plus d’argent. Et il n’y aura plus de prostituée. »
Le phénomène a été repoussé à quelques centaines de mètres du carrefour où la caméra est aujourd’hui installée. LP/N.G.
leparisien.fr