La vidéo fait le tour sur les réseaux sociaux. Elle a certainement atteint les hauteurs élyséennes où réside celui qui se prend pour Jupiter – en fait, un Achille aux petits pieds. Cette vidéo montre l’imposante haie d’honneur constituée par les militaires du ministère des Armées, caserne Balard, pour saluer le départ du général de Villiers, mercredi soir. Moment d’émotion qui ne se commande pas – tout comme la confiance – au claquement de doigt comme on se l’imagine peut-être chez ceux qui ont une très vague idée de ce qu’est l’armée.
Je ne crois pas, en effet, qu’il y ait eu une telle haie d’honneur pour le départ des précédents chefs d’état-major. Il s’est donc passé quelque chose. Quelque chose qui s’est déroulé sous les fenêtres du pouvoir ou presque (le ministre en charge des armées et son cabinet sont restés à l’hôtel de Brienne après le déménagement du ministère au « Balardgone » en 2015). Quelque chose qui est plus que l’adieu à un chef prestigieux et respecté. Une sorte de manifestation qui n’a pas besoin de l’autorisation du préfet et que l’on ne peut interdire à ceux qui reçurent en France le droit de vote après les femmes. Quelque chose qui dépasse même l’armée. Car, au fond, je me demande si ces applaudissements n’ont pas été ceux de millions de Français.
Jeudi, Emmanuel Macron visitait la base aérienne d’Istres, dans les Bouches-du-Rhône. Il était accompagné du ministre des Armées – rappelons son nom au cas où : Florence Parly – et du nouveau chef d’état-major des armées, le général François Lecointre. Salut au drapeau, « Marseillaise », revue des troupes et discours du Président pour tenter de rassurer les militaires. Une opération de communication pour essayer de rattraper le coup. Le Président revêt ensuite une combinaison de vol avant de monter dans le C-135 qui le ramène à Paris. Une bien belle photo pour l’album de Bibi. À bord de l’antique et rustique aéronef, dans son joli uniforme d’aviateur d’un jour, le Président se dit peut-être que la magie a opéré. Après tout, ces militaires sont de grands naïfs, un peu frustes certes, mais bien braves, comme on dit en Provence. Pas certain, cependant, que cela ait vraiment fonctionné, si l’on en croit Le Figaro qui évoque, à la fin du discours, « quelques applaudissements sans enthousiasme ». On avait oublié l’écran en fond de scène avec la mention « Applaudissez ». La prochaine fois, il faudra y penser. Couvrant le chant des cigales, l’avion décolle pour les Champs-Élysées, dans un nuage de poussière et d’illusions perdues…
Mais voilà que le pouvoir, comme s’il n’avait pas accepté les applaudissements unanimes à l’égard du général de Villiers et (presque) en même temps le tiède accueil d’Istres, en remet une couche par le truchement de Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement. S’exprimant dans Le Figaro, probablement sur ordre, ce dernier vient de remettre en cause la loyauté même de l’ancien CEMA : « Le chef d’état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission. » « Il s’est comporté en poète revendicatif. » J’en passe et des meilleures.
Mais, au fait, qui est ce monsieur Castaner ? Quels sont ses faits d’armes ? Nous n’en avons relevé qu’un seul dans sa déjà trop longue carrière de politicien socialiste reconverti dans le macronisme. « Ouvrez le ban. » Lecture de la citation : avoir capitulé en rase campagne de l’entre-deux-tours des élections régionales de 2015 en PACA, face à Marion Maréchal-Le Pen, contribuant ainsi à accélérer la débâcle de son parti en privant les électeurs de gauche de toute représentation pour six ans et livrant ainsi, par la même occasion, la PACA à un résistant d’opérette, j’ai nommé Christian Estrosi. « Fermez le ban. » La gloire, quoi !
Une telle attaque venant d’un tel héros n’est pas bien dangereuse. Disons que c’est l’éloge du vice à la vertu.