Christian Avollé, policier municipal de Val-de-Reuil à la retraite. « Cela a été une erreur de retirer …
Christian Avollé a dirigé la police municipale de Val-de-Reuil pendant plus de vingt ans. Il habite toujours à Val-de-Reuil. Interview.
Christian Avollé a dirigé la police municipale de Val-de-Reuil pendant plus de vingt ans, jusqu’à sa retraite en 2014. Il a été fait chevalier de l’ordre national du Mérite par Pierre Joxe. Il a aussi reçu la médaille de la sécurité intérieure des mains de Bernard Cazeneuve pour avoir arrêté un braquage et sauvé la vie d’un enfant.
Il habite toujours à Val-de-Reuil. Dans la rue, on s’arrête pour le saluer. Beaucoup le tutoient, les jeunes l’appellent chef et viennent lui serrer la main.
Les gens vous saluaient aussi quand vous étiez en poste ?
Quand les jeunes m’interpellaient par mon prénom, ce n’était pas un manque de respect, mais une reconnaissance. Dire bonjour aux gens, ce n’est pas une faiblesse, c’est dire je suis la loi.
Ce n’est pas difficile d’habiter là où on travaille ?
C’est possible à Val-de-Reuil, mais c’est l’exception. On rentrait dans les familles, on était reconnu, respecté. Mais quand on vous reconnaît, vous êtes exposé. On peut être agressé.
À Val-de-Reuil c’était plus facile que dans la région parisienne ?
Il n’y a pas la haine de la police comme j’ai pu le voir dans de grandes villes. On ne nous a jamais tendu de traquenard. On patrouillait à deux, sur la dalle, dans les parkings et les halls d’immeuble. On peut mener des interpellations, s’il le faut en appelant des renforts, mais on n’est pas obligé de faire venir 50 policiers.
Quel est le rôle du policier municipal par rapport à la police nationale ?
Il travaille sur une commune, il a une bonne connaissance des personnes et des quartiers. C’est l’acteur de base de la répression en identifiant avec précision le degré occupé par tel ou tel individu dans la sphère de la délinquance.
Le terme « police de proximité » est fortement décrié aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
Cela a été une erreur de la retirer. On avait des îlotiers qui fonctionnaient bien. Quand il y a eu les émeutes en 2005, la grande difficulté c’était d’identifier les auteurs. C’est un problème qu’on n’a pas eu à Val-de-Reuil. On était sur le terrain. On connaissait les jeunes, les gars le savaient.
Vous voudriez qu’on revienne à la police de proximité ?
Ce n’est pas la panacée. Un îlotier qui tourne en rond et qui va juste voir les commerçants, ça ne sert à rien. Cela fonctionne dans des secteurs apaisés. Il y a des quartiers où ce n’est pas possible. Les collègues mettraient leurs vies en danger.
On a reproché à la police de proximité de « jouer au foot avec les délinquants ».
C’était une demande des politiques. On a organisé des matchs à Val-de-Reuil, j’y ai participé. On ne jouait pas avec des délinquants, mais avec des jeunes. À partir du moment où ne mélangeait pas tout, ça fonctionnait. C’est pas parce que vous jouez au foot que vous allez fermer les yeux.
Et si un de ces jeunes tombait dans la délinquance ?
On connaît tout le monde depuis l’école. Avec les plus petits, c’est un travail avec les frères, les parents. Dans bien des cas j’ai travaillé avec eux pour les réinsérer. On a des relais, on peut aider à trouver un logement, un travail.
Vous n’aviez pas peur qu’on vous trouve laxiste ?
En prison on coûte plus cher à la société. Si on apporte la confiance à un jeune en difficulté, c’est un moteur pour lui. S’il ne bascule pas du bon côté, il ne s’en sortira pas. Il faut être profond, humain, mais ne pas se tromper, ni tomber dans la compassion. Et quand cela allait jusqu’au jugement, j’allais toujours au tribunal. Il faut assumer jusqu’au bout.
Un mauvais souvenir ?
Intervenir dans une famille quand quelqu’un pète les plombs. C’est ce que je craignais le plus. Ça peut partir très vite, les gens sont chez eux, ils peuvent être très violents. Il faut être très solide psychologiquement, bien formé, bien encadré.
Un bon souvenir ?
Un Rolivalois que je connais m’a dit un jour : « Toi tu as mis tous mes frères en prison, et bien aujourd’hui ils travaillent tous. » Ses frères, quand je les vois passer, ils s’arrêtent et demandent à leurs enfants : « Tu dis bonjour au Monsieur. »