Drogue: à Toulouse, un quartier se révolte et raconte l’enfer imposé par les dealers
Trois mois après le message de menaces épinglé par les trafiquants de drogue en direction des habitants dans un hall d’immeuble de la place des Faons, quartier des Izards à Toulouse, le quotidien de ces locataires n’a pas vraiment changé. La résidence des Chamois, un ensemble d’HLM d’une centaine de logements dans ce même secteur, est elle aussi assaillie par les trafiquants qui rendent la vie quasiment impossible à plusieurs dizaines de locataires ne sachant plus à quel saint se vouer pour être entendus. Depuis de longs mois, ils ne cessent de dénoncer auprès des autorités les dégradations, menaces ou insultes auxquelles ils sont confrontés. « J’ai écrit au Président de la République, Emmanuel Macron, pour lui dire que nous sommes otages des dealers dans notre propre résidence. Nous vivons l’insécurité au quotidien. Il est anormal que ceux qui sont sans foi ni loi ne soient pas sanctionnés », a notamment rédigé une résidante, s’adressant également aux autorités locales, préfecture et mairie de Toulouse.
«Les policiers font du bon travail mais entre deux interventions, les dealers reviennent».
Malgré les multiples opérations de police qui se soldent par des arrestations et des saisies de drogue plus ou moins importantes, les trafiquants n’abandonnent jamais ce bout de territoire qui peut rapporter entre 150 et 200€ par jour aux petites mains de la drogue. Le développement de la vidéoprotection et présence des motards de la police municipale ne dissuadent pas pour autant les dealers. Ces locataires désarmés et implantés aux Chamois depuis plus de 20 ans s’en remettent aujourd’hui à leur solidarité pour endiguer la pression constante des trafiquants. Aujourd’hui ils décident de sortir du silence, de briser l’omerta dans lequel les dealers les contraignent de vivre. « On ne veut pas quitter ce quartier, on est Toulousains et ce n’est pas à nous à partir !», insiste l’une de ces locataires, sous couvert d’anonymat, installée ici depuis près de 20 ans. « Un matin, une mère de famille a été surprise dans sa propre cuisine par un dealer qui est venue se réfugier chez elle. Elle était en train de préparer le repas lorsque le dealer a débarqué par le balcon. Il voulait fuir la police. Il l’a menacée de représailles si elle le dénonçait ».
Les dealers se servent du courrier des locataires pour allumer des feux et se réchauffer.
D’autres habitants sont contraints de laisser leur porte d’entrée ouverte pour que les dealers puissent se cacher si la police intervient. Un père de famille poursuit : «J’ai deux enfants en bas âge. L’été, lorsque notre fenêtre est ouverte, les choufs (de jeunes dealers chargés d’alerter en cas d’arrivée de la police) hurlent et réveillent mes enfants qui ne peuvent plus dormir ». La voiture d’un habitant a été la cible de représailles. Il a juste eu le tort de surprendre un dealer en bas de chez lui qui l’a directement menacé. Les représailles n’ont pas tardé. Le lendemain, son véhicule a été rayé avec une lame. « On ne peut plus avoir de vie sociale. Les gens ont peur de venir ». Un riverain poursuit : «Lorsqu’on rentre du travail, on se retrouve nez à nez avec une douzaine de personnes qui attendent leur dose en bas des escaliers. Les dealers s’introduisent dans les halls d’entrée en forçant les portes. Un matin, un dealer comptait ses billets dans le hall avec un sachet de drogue ouvert aux yeux de tous ». Excréments sous les escaliers du premier étage, seringues usagers qui traînent, éclairage public vandalisé et violence entre trafiquants… Ces scènes vécues au quotidien ont baissé d’intensité dernièrement. « C’est un peu plus calme ces derniers temps », admet une habitante. Mais jusqu’à quand ? Frédéric Abéla