Des habitants de l’allée de Brno, à Maurepas, s’inquiètent d’un trafic de drogue qui ne se cache plus et s’étend dans les halls d’immeubles. Un phénomène qui se retrouve ailleurs à Rennes. Notre enquête.
Malgré la violente averse, le trio est à son poste. Installés à proximité du parking saturé de voitures d’un supermarché de la place du Gros-Chêne, dans le nord de Rennes, trois jeunes font le guet. La cigarette pendante aux bouts des doigts, ils s’abritent comme ils le peuvent d’une pluie soutenue et d’un vent glacial qui transperce leurs blousons de sport.
Ce trio d’une vingtaine d’années jette des regards partout. Garé à quelques centimètres, un scooter blanc sert de table improvisée pour quelques canettes de bières. Ils patientent, statiques, imperturbables.
« Une cinquantaine de dealers »
À quelques mètres, Franck (son prénom a été changé) assiste à la scène. « Ceux que vous voyez là-bas, ils en sont. Ils attendent le client toute la journée », indique le riverain d’un discret signe de tête. Ce Rennais d’une soixantaine d’années déambule dans son quartier qu’il a vu se transformer et où les témoignages des habitants se font rares. Pas envie de se faire remarquer.
À Maurepas, dans le nord de Rennes, les résidants de l’allée de Brno doivent faire avec un trafic de drogue qui ne prend plus la peine de se cacher. « Il y a du trafic, ça se voit. Je n’ai pas de problèmes avec eux. Je les laisse tranquille », confie un commerçant.
Placé aux points stratégiques du quartier, « un groupe de dealers » quadrille le secteur « depuis à peu près deux ans », de l’allée de Brno à celle de Maurepas, en passant par l’école primaire Trégain.
Plus loin, un guetteur déambule entre les immeubles, le regard alerte. Ses yeux scannent rapidement les environs d’un côté à l’autre de la rue qu’il remonte d’un pas vif.
Une omniprésence qui continue jusque dans les halls d’immeubles. À l’intérieur du bâtiment 6 de l’allée de Brno, un jeune homme fait nonchalamment le pied de grue près des boîtes aux lettres. Avec sa casquette vissée sur la tête, il se roule une cigarette. Une enceinte portable crache une musique rap dans toute l’entrée. Il est comme chez lui. « À cette heure-ci, il est seul. Mais à partir de 18 h ou 19 h, ils sont plus nombreux et font leur trafic devant tout le monde », indique Franck.
« Un réseau très organisé »
Cette présence pose des difficultés aux habitants des immeubles occupés. « Le matin, l’odeur de shit est partout dans le hall, les escaliers et les étages », raconte André, un voisin qui vit dans l’une des tours de l’allée de Brno, depuis près de vingt ans. « Je les vois tous les jours, encore plus en hiver quand il fait froid, avec de l’alcool et de la musique dans le hall. Les gardiens en ont déjà expulsé de certaines entrées d’immeubles, mais ils reviennent dans d’autres. »
Pour Franck, leur mode opératoire est réglé comme du papier à musique. « Il y a d’abord les guetteurs qui sont à l’extérieur. Ils sont à vélo ou à pied. Ils doivent donner l’alerte en cas de présence policière, explique le riverain. Ensuite, dans les halls d’immeuble, vous tombez sur ceux qui font le filtrage. Ils trient selon le fait que le nouvel arrivant habite ici ou s’il est un client. Après, ils montent dans les étages pour faire la transaction avec une autre personne. C’est un réseau très organisé. »
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Une occupation « par période »
Pour une partie des habitants des immeubles de l’allée de Brno, l’inquiétude s’est installée dans leur quotidien. « Il y a un peu de peur. On se méfie d’eux car si on leur dit quelque chose, on risque des représailles, explique Gilles, artisan qui habite dans l’une des tours depuis deux ans. Mais ce ne sont pas forcément des locataires qui causent des troubles. La plupart sont de l’extérieur. »
Pour d’autres locataires, l’occupation des halls n’est pas continue. « Elle se fait par période », précise Jean-Marc Gommerel du 4, allée de Brno. « En ce moment il n’y a personne. Ça fait huit jours que c’est tranquille, assure le résidant. Mais avec les vacances de Noël, ils risquent de revenir. »
Si le trafic de drogue est visible, les forces de l’ordre ne sont pas inexistantes dans le quartier. « On les voit passer en patrouille. Ils arrêtent certains dealers », concède Franck. Pour lui, une amélioration de la situation passe par la nécessité de « trouver de meilleures solutions ».