La mode est au vélo. Comme le chantait Joe Dassin, « dans Paris à vélo on dépasse les autos ». Il ne croyait pas si bien dire. Les municipalités promeuvent ce qu’elles qualifient de mode de déplacement doux (langue de bois, quand tu nous tiens…) avec un succès relatif : circuler à vélo dans Lyon, Rouen ou Clermont-Ferrand nécessite des mollets d’acier. Sans parler du danger que les autres utilisateurs de la voie publique font courir aux cyclistes.
Cyclistes qui font preuve, à leur tour, d’un incivisme permanent. N’importe quel observateur posté à un carrefour constate que les trois quarts d’entre eux ne respectent ni feux rouges, ni sens interdits, et vocifèrent volontiers à l’encontre des malheureux qui risquent de les cueillir sur leur pare-brise.
Développer la circulation des cyclistes en ville, pourquoi pas ? Mais il faut, dans ce cas, les responsabiliser. Inutile d’envisager de poster un policier à chaque carrefour, cette époque est révolue. En revanche, modifier légèrement la loi pourrait contribuer à atteindre cet objectif, à l’aide d’une communication adaptée dont la sécurité routière a le secret.
La loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, a institué un mécanisme simple et efficace d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Elle pose pour principe que toute victime d’un accident impliquant un véhicule terrestre à moteur est indemnisée de plein droit, sans qu’on puisse lui opposer sa faute – sauf volonté de mettre fin à ses jours. La seule exception concerne les victimes qui sont elles-mêmes conductrices d’un véhicule à moteur, à qui il est possible de reprocher une faute pour exclure son droit à indemnisation. En clair, tout piéton renversé par une voiture, même s’il traverse l’autoroute de nuit, ou tout passager blessé dans une collision est indemnisé par l’assureur du véhicule impliqué. Que le conducteur de ce dernier soit fautif ou non.
Mais la restriction aux victimes conductrices de véhicules à moteur entraîne de facto l’assimilation de tous les autres conducteurs à des piétons. Et c’est le cas d’un cycliste ! Ainsi, selon que vous grillerez un feu rouge en vélo ou en Solex, vous serez indemnisé dans le premier cas et ne le serez pas dans le second, puisque cet antique véhicule est motorisé. Il y a là une anomalie flagrante, qui n’est pas apparue lors du vote de la loi puisque la circulation des vélos était anecdotique en ville.
Responsabiliser les cyclistes nécessiterait donc simplement la substitution de quelques mots à l’article 4 de la loi. Actuellement rédigée comme suit : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis », il suffirait de la rectifier ainsi : « La faute commise par le conducteur de tout véhicule soumis aux dispositions du Code de la route a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »
Nul doute que nos amis cyclistes qui respectent les règles de circulation n’y verront aucun inconvénient.
Quant aux autres, cela les incitera peut-être à faire preuve d’un peu plus de prudence, de civisme, en bref, de responsabilité individuelle et collective. Et les assureurs n’y verront que des avantages, las qu’ils sont de payer des dommages-intérêts faramineux à quelques allumés qui, au motif qu’ils ne polluent pas, se croient autorisés à faire tout et n’importe quoi au risque de terminer leur vie en chaise roulante. Alors qu’on envisage de rendre obligatoire le port du casque par les cyclistes, une telle modification prendrait tout son sens.