État d’urgence : une loi pour en finir
Les députés ont entamé hier l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure, un texte qui doit permettre de mettre fin à l’état d’urgence, en évitant de ne pas baisser la garde face à la menace terroriste. L’équilibre est subtil entre liberté et sécurité…
On ne pourra pas vivre éternellement sous le régime de l’état d’urgence. Celui-ci dure déjà depuis près de deux ans, depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, après avoir été prorogé pas moins de six fois. De fait, il y a bien peu de voix parmi les responsables politiques français à s’opposer à ce dispositif : que se passerait-il si un attentat avait lieu juste après sa suspension ? Car la menace terroriste n’a pas baissé d’un iota en deux ans – les attentats de cet été à Londres ou Barcelone en sont la démonstration. La future loi est donc censée organiser «une sortie maîtrisée de l’état d’urgence», selon le président de la République.
Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a défendu hier à l’Assemblée son projet comme «une réponse durable à une menace devenue durable», nécessaire pour accompagner la sortie de l’état d’urgence. «Même si Daech a perdu de sa capacité (…), la menace n’en reste pas moins élevée», a-t-il affirmé. Du reste, cette loi va instaurer une sorte d’état d’urgence permanent édulcoré et recentré sur la seule lutte contre le terrorisme.
Ainsi, des moyens exceptionnels de prévention seront maintenus pour assurer la sécurité des événements majeurs et les lieux de culte où s’expriment des personnages appelant au jihad pourront être fermés.
Pour ce qui concerne les enquêtes, on passe des «perquisitions» aux «visites», mais l’on devine qu’il y aura peu de différence en réalité. De même, les mesures de surveillance individuelles seront inspirées par les méthodes utilisées pendant l’état d’urgence.
Ces dispositions inquiètent les défenseurs des droits de l’Homme : «Cette loi étend toujours plus les pouvoirs administratifs tout en abaissant les pouvoirs judiciaires» estime «Human Right Watch» en France.
«Des mesures prévues dans le cadre dérogatoire de l’état d’urgence se voient aggravées et pérennisées par leur inscription dans le droit ordinaire» déplore de son côté la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme.
Évidemment, du côté policier, on défend ce projet de loi, car les terroristes «sont de plus en plus rompus à la clandestinité et peuvent passer à l’acte du jour au lendemain. Donc on a besoin d’agir en urgence» selon Laurent Nunez, patron de la DGSI.
Quant au ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, il reconnaît : «La future loi a trait à la sécurité mais nous savons que pour éradiquer définitivement l’influence de Daech, il nous faut mettre en œuvre des politiques de long terme : en finir avec ce chômage de masse qui, dans certains quartiers, atteint 50 % chez les jeunes (…) lutter contre l’emprise islamiste dans les quartiers». Là aussi, c’est l’état d’urgence.