EXCLUSIF. Lutte contre les violences conjugales : plus de 8 000 appels recensés en 2017
« Le Point » s’est procuré des statistiques sur les violences conjugales grâce au système de protection Téléphone Grave Danger (TGD). Un dispositif qui va être étendu.
Par Stéphane Sellami
C’est un dispositif qui n’empêche pas le passage à l’acte, mais qui peut permettre de l’éviter. Lancé en 2009, le Téléphone Grave Danger (TGD) a vu sa généralisation décidée par le ministère de la Justice et celui des droits des femmes en avril 2013. Une généralisation de ce dispositif devenue indispensable tandis que 123 femmes sont mortes en 2017 en France, victimes de violences exercées par leurs conjoints ou ex-compagnons. Selon nos informations, ce dispositif de protection – mis en place pour six mois, renouvelable une fois –, sur décision du procureur de la République, a vu l’attribution de 543 téléphones en 2017 en France. D’ici à la fin de cette année, 829 appareils – 744 en métropole, 85 en Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion– auront été déployés.
« Le TGD a vocation à prévenir les nouvelles violences que pourrait subir la victime d’un viol ou de violences conjugales exercées par un conjoint ou ancien conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité (pacs), rappelle une source proche de la garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Quand la justice est informée de ces faits, elle met à la disposition de la victime un téléphone équipé d’une touche à l’arrière de l’appareil permettant de joindre, en cas de grave danger, un service de téléassistance accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. »
900 victimes en ont bénéficié depuis 2013
Chargés de centraliser les appels, des opérateurs évaluent la situation avant de réorienter rapidement la communication vers les forces de l’ordre. « Policiers et gendarmes se rendent généralement sur les lieux depuis lesquels a été passé l’appel en 5 à 6 minutes en moyenne, poursuit la même source. Depuis son lancement en 2009, dans le département de Seine-Saint-Denis, ce dispositif a permis d’éviter de nombreux drames. Neuf cents victimes ont pu ainsi en bénéficier depuis sa généralisation au printemps 2013. »
Le rappel de l’existence de ce dispositif vient en écho à la tribune signée en faveur des victimes de violences conjugales, ce dimanche 23 septembre, par la comédienne Muriel Robin, rejointe par 87 autres personnalités, dont Carole Bouquet, Mimie Mathy, Vanessa Paradis et Alexandra Lamy. « Ce dispositif de protection, importé d’Espagne, rassure les femmes qui en bénéficient, constate Youssef Badr, porte-parole du ministère de la Justice. Il ne constituera jamais une armure contre les violences, mais il permet une intervention rapide des forces de l’ordre le temps de la mise à l’abri de la victime. Il faut aussi rappeler que l’arsenal répressif contre les auteurs de violences conjugales s’est développé au fil des années. Mais la vraie difficulté pour la justice, aujourd’hui, est d’être informée de ces violences généralement perpétrées dans un cercle privé, au sein du domicile familial. » Signe du déploiement toujours plus important du TGD : le nombre d’appels et d’interventions des forces de l’ordre est en constante augmentation.
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En 2016, 19 685 personnes condamnées pour des violences
« En 2017, 8 376 alertes ont été recensées et ont donné lieu à 282 interventions, souligne un haut magistrat. En 2016, 222 interventions avaient été décidées et avaient donné lieu à 36 interpellations. » Toujours selon nos informations, en 2016, 66 condamnations pour homicide et tentative d’homicide par conjoint ont été prononcées contre 72 en 2015, 46 en 2014 et 66 en 2013.
Les statistiques concernant les condamnations pour des violences conjugales et ayant entraîné ou non une interruption totale de travail (ITT) demeurent constantes. Près de 19 685 personnes ont ainsi été condamnées en 2016. Un an plus tôt, ce sont 19 317 conjoints ou ex-conjoints qui ont été poursuivis. « Outre la protection immédiate des victimes, le TGD a aussi permis de pouvoir caractériser les violences dénoncées par ces femmes et d’interpeller des auteurs en flagrant délit, affirme Youssef Badr, qui a été magistrat-référent de ce dispositif, entre les années 2012-2013, sur le ressort du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). En France, nous disposons d’un arsenal juridique puissant pour protéger les femmes. Mais il faut que ce type de faits soit systématiquement porté à la connaissance des autorités. » Malgré l’extension du TGD, et pour la première fois depuis sa mise en place, deux femmes en bénéficiant ont succombé, depuis le début de l’année, sous les coups de leurs conjoints ou ex-compagnons à Marseille (Bouches-du-Rhône) et à Schweighouse-sur-Moder (Bas-Rhin).