Famille de Roubaix partie en Syrie: faut-il rapatrier en France les femmes et enfants de jihadistes?
Que faire des femmes et enfants de jihadistes français capturés en Irak et Syrie ? Appelé par des familles à les rapatrier en France, le gouvernement se garde bien de s’engager, signe de son embarras face à l’épineux dossier des « revenants ».
Publié le 31/10/2017 à 18:38 Mis à jour le 31/10/2017 à 18:37
Raqa est tombée il y a deux semaines, reprise à l’EI par l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui a depuis arrêté nombre de familles, dont des françaises, liées à l’EI. Amine, qui pense sa soeur et ses neveux aux mains des FDS, a écrit vendredi dernier au président Macron pour lui demander de « permettre aux mineurs et aux femmes avec enfants (français) de rentrer en France« , et aux secondes d’y être jugées en fonction de leurs actes.
Quelques jours plus tôt, une vingtaine de « parents, grands parents et proches des jeunes filles partis en Syrie ou en Irak » ont eux aussi envoyé une lettre en ce sens à M. Macron et à ses ministres. Ils y dénoncent l’absence de dispositif prévu pour le rapatriement de ces Françaises et de leurs enfants, « dont la moitié seraient âgés de moins de six ans« , et soulignent que rien n’empêche la France de juger ces femmes sur son sol si elle le veut.
Chez les Français, il y a des combattants, « mais aussi des gens, notamment des femmes, qui sont parties pour de mauvaises raisons, parce qu’on leur a fait miroiter des choses fausses, de la propagande, ou parce qu’elles se sont fait piéger sur place« , souligne Martin Pradel, avocat représentant certaines de ces familles.
« Cas par cas »
Les signataires, parmi lesquels des grands-parents de ces enfants, demandent également à pouvoir avoir la garde de ces derniers une fois rapatriés en France, et réclament, comme Amine Elbahi, la mise en place d’un « bureau chargé d’encadrer les familles« , qui se disent livrées à elles-mêmes face aux administrations.
Selon le gouvernement français, environ 1.700 Français sont partis rejoindre les zones jihadistes irako-syriennes depuis 2014. Sur ce total, 278 sont morts – chiffre qu’il admet lui-même sous-évalué – et 302 sont revenus en France à ce jour: 178 hommes (dont 120 écroués), 66 femmes (dont 14 ont été écrouées) et 58 mineurs, la plupart de moins de 12 ans.
Les autres ont été capturés en Syrie ou Irak, tués dans les combats ou ont fui vers les derniers territoires tenus par l’EI ou d’autres foyers jihadistes (en Libye notamment). Dans une France toujours marquée du souvenir des sanglants attentats de 2015, en partie perpétrés par des « revenants » de Syrie, le gouvernement redouble de prudence.
Le sort des Français arrêtés dans les zones de conflits dépend du pays, a précisé mardi la ministre des Armées Florence Parly. S’ils se trouvent en Irak, les adultes peuvent être jugés sur place, et le sort des enfants « est étudié au cas par cas« , en tenant compte de la volonté des parents.
La situation est moins claire pour la Syrie, où « si des ressortissants français » y « sont entre les mains de différentes autorités, un signalement est fait auprès du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)« , a expliqué Mme Parly sans donner plus de précisions sur le sort final des personnes concernées, adultes ou enfants.
Pas de quoi satisfaire les signataires des lettres à M. Macron, qui l’appellent à ne pas faire juger les femmes en Irak ou en Syrie, pays qui, soulignent-ils, « appliquent la peine de mort et pratiquent systématiquement torture, harcèlement sexuel et viol » et pourraient les condamner pour terrorisme comme les combattants. Amine Elbahi continuera lui à se battre pour que sa soeur et ses neveux reviennent un jour en France. Car il en est sûr, « si on interdit à tous ces Français, notamment les enfants, de revenir sur leur territoire, on risque à terme de créer de nouvelles tensions et une nouvelle génération de jihadistes« .