Procès houleux, échanges tendus, audience fleuve, l’affaire de fraude fiscale de la pharmacie de Remoulins et du logiciel permettant de gruger le fisc, a connu un début difficile vendredi 20 octobre devant le tribunal correctionnel de Nîmes.
Me Baratelli, l’avocat d’Alliadis, l’éditeur de logiciel, a débuté en lançant un pavé dans la mare sur l’aspect procédural et a demandé un nouveau report du procès. Il a aussi déclaré que le dirigeant d’Alliadis ne viendrait pas s’expliquer. “Il n’a pas une journée à perdre”, s’irrite l’avocat. Le parquet s’est ému du mépris affiché par l’avocat d’Alliadis à l’égard des magistrats de Nîmes.
Sur le fond, l’ancienne pharmacienne de Remoulins et son mari ont à nouveau reconnu leur culpabilité sur les fraudes à la CPAM en surfacturant des actes ou en falsifiant des ordonnances. La fraude fiscale commise à l’aide du logiciel ? Également reconnue.
“4 300 pharmacies”
La présidente Ruellan rappelle qu’un cahier estampillé “noir” recensait la comptabilité occulte de l’officine. La prévenue a confirmé qu’elle retirait jusqu’à 9 000 € en liquide pour frauder le fisc. “Cette affaire n’a-t-elle pas sali la profession ?”, demande la juge. “Oui peut-être, mais on n’est pas les seuls, il y 4 300 pharmacies concernées”, se défend la prévenue.
Le couple reconnaît sur plusieurs années près de 500 000 € de fraude fiscale et ajoute que l’argent occulte constituait un des arguments de vente d’une officine. Dans l’après-midi, le responsable d’Alliadis, est finalement venu devant le tribunal. “Nous pensions que vous aviez mieux à faire”, insiste la présidente. “Non, j’étais retenu par des obligations”, répond Christian Armando. Plus tôt dans la matinée, on apprenait que la société Alliadis faisait partie d’un groupe coté en bourse : présent sur cinq continents, 8 000 employés dans le monde et plus de 900 millions d’euros de chiffres d’affaires.
LIRE AUSSI – La pharmacie gardoise jugée pour fraudes grâce à son logiciel
En marge des infractions reconnues par le couple de Remoulins, la question principale pour le tribunal était d’analyser le rôle du logiciel dans la fraude fiscale. Pour le parquet, les fonctions du logiciel de gestion constituent clairement une complicité de fraude fiscale. Ce qui constitue une première en France. Car c’est la première fois qu’un éditeur est poursuivi pour avoir aidé à dissimuler les recettes au fisc. À la barre, le dirigeant d’Alliadis conteste être complice de la fraude fiscale. Il assure avec de longs détails techniques que l’équipement informatique avait des fonctions de correction des comptes et que l’effacement des données supprimées était réalisé sous la responsabilité des pharmacies.
En clair, pas responsable. L’audience s’est prolongée tard dans la soirée. Le parquet, non sans avoir évoqué un “système quasi-mafieux”, a requis 2 M€ d’amende contre la société Alliadis. Il a aussi réclamé trois ans avec sursis contre le couple Bertranet ainsi qu’une amende de 30 000 €. La défense a indiqué qu’elle plaiderait la relaxe des prévenus. Jugement en délibéré.