Fusillade à Strasbourg : la difficile sécurisation du marché de Noël
- Par Alexis Feertchak AFP agence
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Le marché de Noël, qui accueille chaque année deux millions de visiteurs, a vu sa sécurité renforcée depuis les attentats de 2015 dans l’Hexagone. Après la fusillade de ce mardi, des critiques se font entendre tandis que les autorités rappellent que le risque zéro n’existe pas.
Les questions fusent autour de la sécurité du marché de Noël de Strasbourg où a eu lieu mardi une fusillade, au cours de laquelle trois personnes sont mortes et douze ont été blessées. Muni d’un couteau et d’une arme de poing, le terroriste présumé, Chérif Chekatt, a pu entrer dans la zone sans difficulté un peu avant 20 heures, puis a pu s’en enfuir en braquant un chauffeur de taxi alors que l’alerte était déjà donnée.
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Pourtant, depuis les attentats de 2015, le marché de Noël de Strasbourg, qui existe depuis 1570 et qui réunit chaque année plus de deux millions de visiteurs venus du monde entier, fait l’objet d’un dispositif de sécurité renforcé.
● Quel était le dispositif de sécurité avant la fusillade de mardi?
Les 300 cabanes de bois du marché de Noël sont réparties sur la Grande-Île de Strasbourg. Entourée par la rivière l’Ill, elle accueille la cathédrale Notre-Dame, ainsi que la place Kléber où se dresse un grand sapin de 30 mètres de haut. Ce sont les points d’entrée de cette île qui font l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la sécurisation du marché. On en compte au total 19 par lesquels peuvent passer les piétons , quatre permettant également un passage des voitures.
Pour accéder à l’île, un visiteur fait l’objet de contrôles qui ont lieu de 8 heures du matin à 20 heures le soir (21 heures le vendredi soir et 22 heures le samedi soir). Quant à la circulation et le stationnement des voitures, ils sont drastiquement limités dans cette zone largement piétonne. Ce contrôle à l’entrée du marché de Noël a été décidé après les attentats de novembre 2015 à Paris. Dans ce cadre, 160 agents de sécurité privée ont été recrutés par la municipalité. Depuis les attentats de Nice (14 juillet 2016) et de Berlin (19 décembre 2016), un dispositif anti-voitures béliers composé de fosses dans les voies du tramway et de blocs de béton sur les routes a également été installé.
En plus de ce dispositif statique, «il y a des patrouilles régulières des fonctionnaires de la police nationale et de la police municipale», a rappelé le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, tandis que des militaires de l’opération Sentinelle complètent le dispositif depuis 2015. Au total, 260 policiers nationaux, 50 policiers municipaux et plusieurs dizaines de militaires sont mobilisés chaque jour jusqu’au 30 décembre.
● Un dispositif sujet à critiques
Mais, depuis mardi, des critiques se font jour. Parmi elles, la question des points de contrôle pour entrer dans le marché de Noël. Il est d’abord facile d’y échapper en prenant le tramway dont deux stations desservent directement l’île. Pour arriver par l’un des ponts, il suffit également d’y entrer avant le début ou après la fin des contrôles, soit tôt le matin ou dans la soirée.
Mais le terroriste présumé est entré sur les lieux peu avant 20 heures, à une heure où les contrôles étaient encore en cours. En réalité, les agents de sécurité privée ne sont pas autorisés à fouiller les sacs ni à procéder à des fouilles au corps. Ils ne peuvent que demander aux visiteurs d’ouvrir leurs sacs, ce qui permet de facilement dissimuler un couteau ou une arme de poing.
En janvier dernier, le maire (PS) de Strasbourg, Roland Ries, avait émis des doutes sur ce dispositif, se déclarant d’abord en faveur de son allègement: «Je ne suis pas sûr que la bulle, soi-disant étanche mais qui ne l’est pas vraiment, doit être pérennisée». Roland Ries a finalement fait machine arrière. «Assouplir le dispositif» reviendrait à «prendre le risque de voir des personnes qui profitent de cet assouplissement pour s’insérer et, le cas échéant, commettre des attentats», a déclaré l’édile le mois dernier, ajoutant: «Personne, ni Monsieur le préfet, ni moi, ni quiconque, ne peut prendre le moindre risque là-dessus […] Les responsabilités qui pourraient être imputées aux uns et aux autres doivent aussi être prises en compte.»
Depuis mardi, une autre critique porte sur la présence – ou non – de CRS lors de l’attentat. Selon Le Parisien , alors qu’une compagnie et demie de CRS avait été mise à disposition du préfet de la région Grand Est pour assurer le maintien de l’ordre dans la ville de Strasbourg et sur son marché de Noël, «les CRS 36 et 43 étaient engagées [le jour du drame] dans une autre mission jugée prioritaire: encadrer le mouvement des lycéens qui menaçait alors de dégénérer» tandis que «d’autres membres des CRS étaient en faction devant le Parlement européen et des lieux sensibles de la communauté juive». La préfecture n’a pas réagi à cette information.
● Depuis mardi, un renforcement de la sécurité
Dès mercredi soir, le préfet de la région Grand Est, Jean-Luc Marx, estimait n’avoir pas «relevé de failles dans le dispositif tel qu’il a été conçu après 2015». Le président de l’eurométropole et adjoint au maire chargé de la sécurité, Robert Herrmann, donnait quant à lui des explications sur le fait que le terroriste ait pu passer à travers les mailles du filet: «Nous savions que le risque était celui d’un homme déterminé. Ce risque était évalué, connu. Il participe de la démocratie. J’entends ceux qui interrogent: ‘Est-ce que la sécurité était suffisante?’ Mais nous sommes à la recherche d’un point moyen. Il y a là un aléa qu’on n’évitera jamais». Autrement dit, le risque zéro n’existe pas. C’est la formule employée sur LCI par un représentant du syndicat de police Unité SGP Police Strasbourg, Emmanuel Georg, qui ajoute: «On ne peut pas faire passer deux millions de personnes en faisant des fouilles au corps sur tout le monde».
Depuis mardi, la situation a malgré tout changé. À la suite d’un arrêté préfectoral, manifestation et rassemblements sont interdits «jusqu’à nouvel ordre» dans la ville de Strasbourg, où le marché de Noël était toujours fermé ce jeudi. Par ailleurs, à l’échelle nationale, le relèvement au niveau «Urgence attentat» du plan Vigipirate a pour conséquence un contrôle accru aux frontières et dans tous les lieux ouverts au public, notamment les marchés de Noël. «L’opération Sentinelle est renforcée de 500 militaires dès aujourd’hui et de 1300 militaires supplémentaires dans les prochains jours pour sécuriser les lieux publics sur tout le territoire national», a annoncé le premier ministre Édouard Philippe lors d’une brève allocution mercredi soir. On comptait jusque-là 7 000 militaires déployés en permanence dans le cadre de ce dispositif.
Source:: Fusillade à Strasbourg : la difficile sécurisation du marché de Noël