À contre-courant du maire de Brest qui s’est toujours refusé à créer une police municipale, Gouesnou, comme 17 autres communes bretonnes, a décidé de doter ses deux agents d’une arme à feu. Un cran supplémentaire, parfaitement assumé par le maire Stéphane Roudaut. Ce dernier était déjà pionnier en matière de vidéoprotection, un sujet sur lequel les lignes commencent à bouger dans la métropole.
Depuis bientôt deux ans, les deux policiers municipaux de Gouesnou patrouillent dans la commune avec une arme à feu. Stéphane Roudaut, le maire LR de la commune, n’avait pas fait de publicité sur le sujet, « car on était en phase expérimentale ». Mais alors qu’il vient de financer le changement de matériel de ses deux agents, l’élu se dit très décomplexé sur le sujet. D’autant plus à l’aise que le facteur déclenchant, « c’est François Hollande qui l’a donné ». Après les attentats de Charlie Hebdo, le président socialiste avait en effet encouragé le déploiement des armes, en permettant le prêt gratuit du revolver Manurhin aux polices municipales. Le maire de Gouesnou avait alors profité de la fenêtre de tir.
Mais dans une commune de 6.000 habitants, est-ce bien nécessaire d’aller aussi loin ? « Je suis dans l’actualité, et surtout dans la vérité de notre société ! », tonne le maire. « Aujourd’hui, il y a un trafic de stupéfiants énorme, qui génère une économie souterraine très violente, et toute cette délinquance est armée. Et il n’y a pas de poste frontière à l’entrée de Gouesnou. Au contraire, il y a une grande porosité avec les quartiers brestois. Et je devrais laisser mes policiers avec un bâton télescopique ou une bombe lacrymo ? ». L’agression récente de deux patrouilles de gendarmerie au Folgoët, puis à Landéda, pour de banals contrôles d’alcoolémie, donnent du crédit à ce discours.
« Exposés aux mêmes risques que les policiers nationaux »
Pour les deux agents de Gouesnou, les patrouilles nocturnes, l’îlotage sur la voie publique, les opérations « police route », la surveillance des commerces sont autant de missions qui représentent des risques potentiels. C’est d’autant plus vrai dans une commune où la gendarmerie n’a pas d’implantation physique, les deux municipaux se retrouvant, de fait, souvent les premiers sur les lieux des interventions. Et « parce qu’ils portent un uniforme, mes agents sont particulièrement exposés face aux bandes organisées. Ils prennent les mêmes risques que les forces de l’ordre de l’État. Je ne veux pas aller à leur enterrement, parce qu’ils n’auront pas pu proportionner la riposte ».
Stéphane Roudaut rappelle au passage que le maire est le premier responsable de la sécurité dans sa commune. « C’est un peu son pouvoir régalien. S’il ne s’intéresse pas à ça, tout le reste est bâti sur du sable ». Raison pour laquelle il n’a pas voulu déléguer les questions de sécurité à un adjoint. « Dans ce domaine, on touche à des dossiers sensibles où la confidentialité est essentielle. En outre, le pouvoir de police du maire le rend civilement et pénalement responsable. C’est à lui d’assumer ».
Vidéoprotection : des chiffres qui parlent
Alors, Stéphane Roudaut assume. Et met le paquet sur les moyens. C’est ainsi qu’il a été pionnier en matière de vidéoprotection dans la métropole. « On avait 72.000 € en moyenne de dégradations sur le patrimoine communal. Entre les dégradations, les réparations, le nettoyage, les primes d’assurance qui augmentaient, cela représentait 5 % de la fiscalité locale ». Il a alors fait réaliser un audit par la gendarmerie, afin d’identifier les points de faiblesse du patrimoine communal. Trente-huit caméras ont ainsi été installées ces deux dernières années, pour un investissement de 42.000 €. Sur chaque édifice, un affichage « bâtiment surveillé » a valeur dissuasive. Résultat : ces deux dernières années, les dégradations sont tombées à 3.500 €.
Un investissement rentable qui lézarde aussi un peu la ligne de défense de ceux qui redoutent une atteinte à la vie privée. À l’image de cet habitant connu pour être défavorable à la vidéoprotection, et qui a été bien content que l’on retrouve l’auteur de son rétro arraché, en visionnant les images. De petits faits comme celui-là, les caméras de Gouesnou en ont réglé plein. Mais elles sont aussi d’un renfort précieux pour des affaires d’une tout autre résonance, qui dépassent souvent les frontières communales. Le visionnage des bandes s’est ainsi avéré décisif pour des vols de PMU affectant des commerces de Brest et du Relecq, entre autres. Elles ont aussi permis de résoudre une vague de home-jackings qui avait touché une dizaine de communes allant de Guilers à Bohars, en passant par Plabennec ou Plouvien…
« C’est un peu notre contribution à la sécurité d’un territoire », résume Stéphane Roudaut qui se défend d’être dans le tout sécuritaire. « Je suis dans une logique de dissuasion. Chez nous, la police municipale, c’est trois PV par mois en moyenne ». S’il ne souhaite pas faire la leçon aux autres communes, il prévient : « Que l’on ne vienne pas m’en donner en retour ».