« Moi, j’ai appelé le 115 et on m’a tout de suite mise à l’abri à l’hôtel parce que j’avais un mari fou furieux à mes trousses. Je suis restée dix jours enfermée sans pouvoir sortir ni communiquer. »
Les mots fusent dans la salle de réunion où Raphaël Bartolt, préfet du Doubs, rencontre un groupe de femmes hébergées au Roseau (lire par ailleurs) dans le cadre de l’accueil d’urgence des victimes de violences. Arrivées depuis quelques jours ou plusieurs mois, certaines avec leurs enfants, toutes ont été recueillies en état de terreur et de profond désarroi. « Quand je suis arrivée, j’étais à ramasser à la petite cuillère », poursuit celle qui témoigne à présent. Et d’embrayer sur le décalage entre la loi – qui prévoit que ce n’est pas à la victime mais à l’auteur des violences de devoir quitter le domicile – et la réalité, où ce sont les victimes qui se retrouvent à devoir fuir.
Le préfet annonce qu’il a « justement rencontré cette semaine la procureure de Besançon pour évoquer la mise en place d’une structure susceptible de prendre en charge les auteurs de violences et de faire en sorte que ce soient eux qui partent ». Sachant que, d’ores et déjà, « toutes les plaintes pour violences conjugales reçues au commissariat de Besançon sont transmises d’office au parquet et qu’en cas de poursuites judiciaires, le Conseil départemental, dont dépend le suivi social des familles, est systématiquement informé ».
Et la discussion de se poursuivre entre les femmes et le représentant de l’État. Les premières évoquant les problématiques qui ont émergé au fil de l’atelier « droit des femmes et citoyenneté » et du groupe de parole autour de la parentalité.
Le préfet prenant note des points à prendre en compte ou à améliorer. Ceci afin de les faire remonter, la rencontre, opportunément organisée à proximité du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, s’inscrivant également dans le tour de France de l’égalité femmes-hommes.
Juste avant cette table ronde, Raphaël Bartolt a visité les installations du Roseau, dédiées entre autres à la mise en sécurité des femmes victimes de violences et de leurs enfants. Guidé par Myriam, arrivée début juillet avec son fils de 9 mois, il a découvert les chambres, la cuisine et la salle de bain partagées ainsi que les lieux de vie et de convivialité, dont la salle de jeux et celle de fitness. « Notre mission est d’offrir un accompagnement social aux personnes que nous accueillons », souligne Séverine Fulbat, chef de service d’Alia (Accueillir, Loger, Insérer, Accompagner) qui gère Le Roseau, « ceci dans un but d’émancipation et d’accès à l’autonomie. D’où l’importance de les aider à retrouver l’estime de soi et confiance en elles. Ce qui passe par le fait de mobiliser leurs compétences et de leur permettre aussi de s’exprimer ».
Une démarche dont le parcours de Myriam illustre la pertinence. S’apprêtant à quitter la structure pour prendre son propre appartement, elle confie : « Ici, ils font en sorte qu’on s’en sorte, qu’on se relève ! » Une capacité de redressement, même après avoir été au plus bas, qui caractérise en effet le roseau.