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La peur et la colère des mamans du Jas-de-Bouffan

Des mamans témoignent de la violence, des incivilités et des trafics de drogue qui gangrènent dans le quartier

Société - Aix : la peur et la colère des mamans du Jas-de-Bouffan
Les aires de jeux pour enfants ne sont pas sécurisées ou squattées par des jeunes du quartier, selon les mamans.PHOTO SERGE MERCIER

En allant acheter du pain, on risque de se prendre une balle. C’est ça notre quotidien. » Alors malgré la crainte des représailles, Houria, Halima et d’autres mamans du Jas-de-Bouffan veulent témoigner. De la violence et des trafics de drogue qui gangrènent le quartier depuis plusieurs années. De ces incivilités qui détériorent leur cadre de vie. Du manque d’aires de jeux pour les gamins. Ce sont des mamans « en colère » qui s’expriment. A bout de nerfs. « On sent que ce quartier est abandonné« , souffle Houria, qui ne se considère pas écoutée par les pouvoirs publics, malgré une récente rencontre avec l’élu délégué au Jas de Bouffan, Claude Maina (lire par ailleurs).

« Ce n’est plus vivable, tranche une maman. Dans le quartier, il n’y a rien pour occuper les enfants l’été. » Le centre social Le Château de l’horloge « est fermé au mois d’août, déplore Houria. Et en juillet, il proposait des sorties mais limitées à 10-12 places ; c’était forcément complet depuis longtemps. Ce n’est pas adapté à un quartier de 30 000 habitants ! »

Trafics de drogue, rodéos de motos…

Au Jas, point de jeux d’eau pour rafraîchir et amuser les minots. « Pourquoi y en a-t-il à Beisson depuis 2014, à la Duranne depuis cet été et pas ici ?« , interroge Houria qui imaginerait bien un tel équipement au parc Gilbert Vilers où se trouve le théâtre de verdure. « Le problème aussi, ajoute une autre maman, c’est qu’il n’y a pas d’aire de jeux, et s’il y en a, elles sont dégradées ou squattées tous les jours par les jeunes« . Comme celle de la rue Charloun Rieu, juste sous les fenêtres de la mairie annexe. « Les mamans n’y vont plus« , explique Houria. Un peu plus loin, vers la place du marché, un autre petit jardin d’enfants jouxte le terrain de boules et son bar. « Il y a un portillon qui y accède directement, on retrouve tout le temps des cannettes de bières, des bouts de verre, comment voulez-vous qu’on vienne faire jouer nos enfants ici ? Pour moi, ce n’est pas protégé« , s’inquiète une habitante. « Et puis, c’est là où ça a tiré la semaine dernière« , se remémore-t-elle. « Quand on sort, on ne sait pas si on va rentrer chez nous« , lâche sa voisine, qui ne supporte plus les « trafics en plein jour, sous nos fenêtres« , les « seringues qui traînent à côté de l’école maternelle« , les « rodéos de motos pendant la sieste des petits« . « Avant, il y avait la gendarmerie ici, rappelle-t-elle. On aimerait bien qu’il y ait davantage de rondes de la police nationale, suggère une dame. Nous on ne prône pas la violence, nous aimerions juste vivre tranquilles. »

Et la tranquillité, ça passe aussi par un cadre de vie agréable. Or, les mamans déplorent « la saleté du quartier« . « Il n’y a que quatre personnes qui s’occupent du nettoyage, et bien que l’on en mette plus !« , s’agace Houria, qui le reconnaît : « Il y a aussi le manque de civisme des habitants, on le sait. Mais on demande juste que l’environnement soit correct. Or, rien n’est fait pour améliorer la situation. La seule chose que l’on voit c’est que petit à petit, on nous enlève le Pôle emploi, la PMI…. »

Houria et les mamans du Jas ont un nouveau rendez-vous, le 22 août, avec l’élu du secteur. « Ce que l’on souhaiterait surtout c’est une rencontre avec tous les acteurs : les différents services de la mairie, les bailleurs…« , ajoute-t-elle, déterminée à agir pour le quartier, notamment au sein du conseil citoyen. « Mais là, c’est pareil, on n’a pas l’impression d’être écouté. » Mais à force de taper du poing sur la table, elle espère des avancées. En attendant, Houria vient de créer une association : le Jas en couleurs, « pour recréer du lien social, faire des choses ensemble, échanger les savoirs. J’aimerais retrouver l’ambiance qui existait il y a quelques années, murmure-t-elle. Parce que c’est un beau quartier, le Jas. »

L’accès à la piscine fait des vagues

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Les mamans déplorent le manque d’équipements pour les enfants, notamment des jeux d’eau qui existent pourtant dans d’autres cités.

Un arrêté portant sur la modification du règlement intérieur des piscines de la Métropole Aix-Marseille a été pris le 17 avril dernier. Un règlement intérieur qui pose problème à certaines mamans du Jas, certaines étant voilées. « L’accès est interdit si on est habillé, explique Halima qui fréquente la piscine Plein ciel. Mais ce n’est pas qu’une question de voile, si on est en short c’est pareil ! Avant, on pouvait accompagner nos enfants même si l’on était habillé. Mon fils a 8 ans, il n’est pas en âge d’aller à la piscine seul, du coup il n’y va plus. Déjà qu’il n’y a rien au Jas, en plus ils nous suppriment l’accès à la piscine. » Le règlement stipule que « par mesure d’hygiène, l’accès aux bassins est strictement interdit à tout baigneur vêtu d’un short, bermuda, pantalon court, justeaucorps, short de voile (…) » Si la présence des parents et accompagnants s’avère « indispensable au déroulement de la séance, leur tenue devra être conforme au présent règlement. »


Claude Maima, conseiller municipal : « Il n’y a aucun ostracisme vis-à-vis du Jas »

Conseiller municipal depuis 2014, Claude Maina, médecin, est délégué au quartier du Jas-de-Bouffan. S’il dit entendre les inquiétudes des mamans du Jas, l’élu tient également à « mettre les points sur les i. » « Je ne suis pas du genre à faire de la représentation dans les cocktails mais je fais un travail de l’ombre, martèle-t-il. Il n’y a aucun ostracisme vis-à-vis du Jas. » L’élu en veut pour preuve l’action qu’il mène au quotidien, sur le terrain. Que ce soit pour anticiper l’arrivée du BHNS, pour négocier des espaces de street art avec les bailleurs, sécuriser l’église qui a été vandalisée, clôturer le parc Gilbert-Vilers, installer des rampes d’accès à la mairie annexe pour les personnes à mobilité réduite… « Le festival ZikZak a été pérennisé à ma demande, ajoute l’élu. Je rappelle qu’en 2016, il a lieu quatre jours après le 14 juillet à Nice ; nous l’avons maintenu et accueilli 12 000 personnes en assurant leur sécurité. »

A la suite de l’entrevue avec les mamans, Claude Maina explique avoir envoyé des courriers aux services concernés pour l’obtention de jeux d’eau. Quant à la sécurité, « j’ai demandé que l’on augmente les patrouilles de la police municipale, que le parc de caméras de surveillance soit étendu. Je connais le quartier, je sais qu’il y a des trafics. Mais ce n’est pas Maina qui va régler le problème de la drogue à Aix ! En revanche, on peut essayer de canaliser tout ça. » L’élu avance par ailleurs des chiffres, plutôt rassurants : « En matière de sécurité d’après les dernières statistiques, le Jas est dans la moyenne de la ville. En trois ans, il y a eu une baisse de 25 %, tous actes confondus. »

Alors certes, l’élu ne va pas jusqu’à prétendre que tout est rose au Jas. Mais « dire que le quartier est délaissé, c’est faux ! » « Mais ce qu’il faut savoir, c’est que je n’ai pas de budget dédié au Jas. Je dois m’inscrire dans un budget global. Or, nous sommes en période de restrictions budgétaires« , précise Claude Maina qui rappelle par ailleurs que le quartier est le plus important d’Aix, de par son volume démographique (entre 25 et 30 000 habitants) et sa superficie. « C’est donc moi qui demande le plus ! » D’autant que l’enveloppe des aides nationales octroyées au titre de la politique de la Ville a fondu comme neige au soleil. « Nous avons environ 10 000 personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Or que le gouvernement précédent a revu à la baisse le découpage de la zone de Politique de la Ville. On a donc moins de budget dans ce cadre-là. »

Claude Maina l’affirme haut et fort : « Mon quartier, je l’aime. Ce n’est pas moi qui aie tous les pouvoirs, je ne suis que conseiller municipal ! Mais je fais remonter les demandes. Je me bats comme un lion. »

Quant aux mamans du Jas, il promet de les voir désormais une fois par mois pour les tenir informées de l’évolution des dossiers.

Stéphanie Durand-Vial

Source:: La peur et la colère des mamans du Jas-de-Bouffan

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