La police nouvelle arrive mais avec quels moyens ?
La police de sécurité du quotidien va naître, mais les hommes s’interrogent
Les mots ont un sens. Les sigles aussi. Le vrai sigle, le sigle d’amour est celui qui s’insinue dans la vie des gens sans les rebuter, qui devient le meilleur ami de l’homme, qui sait se faire désirer sans être regardé comme un ennemi. On a appris à aimer la SNCF, la SPA… On aime moins le CRS, c’est sûr. Mais en voilà un qui demain va gagner notre quotidien, au rythme où c’est parti : la PSQ, comprenez la Police de sécurité du quotidien, concept macronien à vocation rassurante. On a bien osé PQ pour Police du quotidien, mais c’était déjà occupé…
De la police de proximité à la police de sécurité du quotidien
Ce sera donc Police de sécurité du quotidien. Comme si la police n’était pas ontologiquement de sécurité et du quotidien, surtout par les temps et les menaces qui courent. Avant, on disait police de proximité, mais les mots ont un sens, encore une fois. Les mots sont parfois des fleuves d’idéologie, et puis c’était au temps jadis de Lionel Jospin, le « père fondateur », jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy, en 2003, affirme que les policiers ne sont pas des assistantes sociales. Et que l’on danse autour du scalp de la police de proximité, devenue l’impossible totem de la gauche. Le policier de proximité de demain nouvelle formule va donc naître aujourd’hui. Le discours du président Macron sur le sujet est très attendu. Promesse de campagne. Promesse d’enfantement.
Or les promesses, surtout quand on veut avoir un avenir politique, valent mieux quand elles sont tenues. D’autres, comme Charles Pasqua, autre titulaire du ministère de la police et de la chaire de l’lntérieur, ont longtemps prétendu qu’elles n’engagent que ceux qui les croient. Mais les Français veulent avoir confiance. Le président va-t-il gagner la leur ? Le chef de l’État va présenter pour la première fois les grandes lignes de sa réforme lors d’un discours devant les cadres de la police. En maître du grand Cluedo de la sécurité, il avait certes glissé quelques indices lors de la campagne : une police « proche du terrain », « mieux intégrée dans le tissu social des quartiers » avec pour objectif prioritaire de « répondre aux préoccupations de chacun en termes de protection et de tranquillité ».
Marseille est une « ville expérimentale »
Vaste chantier. Mais quel chantier ? Des villes se sont portées candidates. Les « fayots » de la classe ? Experts en sécurité de proximité ? Marseille sera-t-elle de celles-là ? « J’ai souhaité que Marseille puisse être ville expérimentale », observe le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Olivier de Mazières. « Il est clair qu’il est prématuré de dire quel sera le contenu de cette police. On déterminera ensuite les effectifs nécessaires », nuance-t-il.
Mais à l’entendre, Marseille aurait des pistes à souffler à d’autres, non pas en donneuse de leçons sécuritaires, mais comme pour dire qu’il y a des choses qui marchent ici dans le Sud, des idées qui avancent. Et Olivier de Mazières d’égrener ce qu’il nomme joliment « les bonnes pratiques ». Pêle-mêle, plusieurs « expériences » d’organisation : « les policiers référents partenaires, le travail de l’Unité de prévention urbaine, les réservistes qui recueillent les doléances de proximité des citoyens, l’approche globale dans les cités difficiles » et qui, insiste-t-il, s’efforcent de « recréer du lien social ». Le lien social, le grand mot, est lâché. Il reste qu’à interroger les policiers de terrain, ils sont inquiets. Ils n’osent pas dire qu’à Marseille ils ont encore perdu cette année, en sécurité publique, 80 à 100 hommes, ceux-là mêmes qu’on pouvait dédier à cette mission nouvelle de Police de sécurité du quotidien. Ils n’osent pas raconter que leurs véhicules ont 270 000 kilomètres au compteur, que les crédits de la police sont avalés en septembre, que 6 équipages de Bac se disputent le quadrillage de la ville, qu’on va tricher demain peut-être en piochant dans les brigades VTT, les GSP, les BST… Cachez donc ce nouveau sigle, PSQ, que je ne saurais voir…
« Avec quels moyens va-t-on fonctionner, avec quels effectifs ? s’interroge Bruno Bartocetti, délégué régional du syndicat Unité SGP-FO. Il faudrait au moins 80 effectifs de police opérationnels dès janvier. » « On serait une entreprise privée, on serait en dépôt de bilan depuis longtemps », glisse un chef de service sous le sceau désabusé de l’anonymat policier.
« Effet d’annonce », « fumisterie », « tour de passe-passe »… Les mots claquent comme des paires de claques.
Denis Trossero