L’affaire des «Disparues de Perpignan» jugée 20 ans après
Deux femmes violées, assassinées et atrocement mutilées, une autre laissée pour morte ainsi qu’une tentative de viol entre 1997 et 1998 : vingt ans après, Jacques Rançon comparaît à partir d’aujourd’hui devant les assises, dans l’affaire dite des «disparues de Perpignan».
L’heure a sonné. «Le tueur de la gare» sera face à quelque trente-cinq témoins et une dizaine d’experts pendant les trois semaines d’audiences de cette affaire. La sombre histoire avait provoqué à la fin des années 1990 une véritable psychose.
«Il faut qu’il paye pour ce qu’il a fait, à ma fille, aux autres victimes, à moi, mon mari, ma famille», déclare en larmes Conception Gonzalez, mère de la dernière victime, Marie-Hélène, 22 ans, tuée le 16 juin 1998. «Il faut que l’on vive avec, avec cette haine. La paix on ne la retrouvera jamais. Il nous a détruit la vie, il nous a pris notre enfant (…) J’ai trop mal». Et de demander : «Pourquoi il a tué ma fille ?»
Poursuivi pour homicides volontaires, tentative d’homicide, viols et tentative de viol, Rançon, 58 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans. Cet ancien cariste-magasinier originaire de Picardie, au lourd passé judiciaire, pourrait aussi se voir infliger une période de rétention de sûreté en fin de peine, car il était en état de récidive légale, ayant déjà été condamné en 1994 pour viol aggravé.
«L’enjeu, ce n’est pas la sentence. Mon client est terrorisé parce qu’il doit parler en public. Il a beaucoup de souvenirs qui s’effacent et il craint qu’il y ait des choses qu’il ne soit pas en capacité d’expliquer», souligne Me Xavier Capelet, défenseur de Rançon.
«C’est un pervers prenant du plaisir à faire souffrir»
Moktaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzales ont été retrouvées mortes en 1997 et 1998. Leur seul tort est d’avoir croisé le chemin de Jacques Rançon, véritable prédateur sexuel. Mokhtaria Chaïb avait 19 ans, de grands yeux noirs, des cheveux qui tombaient en boucles brunes sur ses épaules. Lorsqu’elle a été retrouvée, dans le terrain vague du boulevard Nungesser et Coli, sous le gros château d’eau de brique rouge, le corps nu était écartelé et comme écorché. Les seins découpés, les parties génitales aussi. L’horrible scénario ne s’arrête pas là puisque le 26 juin 1998, des pompiers découvrent le corps de Marie-Hélène Gonzalez, entièrement dénudé, près du péage de l’autoroute A9. Elle aussi a été horriblement mutilée, au thorax, et entre les jambes. Mais en plus, on lui a sectionné les mains et la tête.
«C’est un pervers prenant du plaisir à faire souffrir», souligne pour sa part l’avocat des parties civiles, Étienne Nicolau. «Ce sadique aurait pu s’en tirer sans les progrès de la science».
La clé de l’énigme
Il aura fallu un changement de technique dans les analyses de l’ADN pour faire tomber le masque. Rançon a fini par avouer au bout de sa garde à vue.
Il a expliqué avoir découpé les seins et les parties sexuelles de Moktaria parce qu’il ne voulait pas laisser de traces. Un chirurgien péruvien au diplôme douteux avait été longtemps soupçonné d’avoir commis ces mutilations, avant de bénéficier d’un non-lieu et de mourir étranglé en juin 2012 à Valence (Espagne).
Le verdict du nouveau procès est attendu le 26 mars devant la cour d’assises des Pyrénées-Orientales.
Portrait d’un prédateur sexuel
Jacques Rançon a 58 ans et il est né à Hailles, petit village de Picardie. Son père meurt en 1979, il fait alors une découverte marquante. Il apprend qu’il a 15 frères et sœurs d’une première union. Dont une fille que le père touchait d’un peu trop près. Sa première tentative de viol remonte à ses 26 ans. Il coince une fille du village dans un bois avec un ami. Il se précipite sur elle et tente de la déshabiller. Mais celle-ci ne se laisse pas faire, alors il commence à l’étrangler. Elle parvient à s’enfuir… Cette scène, Rançon la reproduira presque à l’infini, comme si ce viol raté avait été pour lui le comble de l’excitation.