Le conseil de BFMTV : munissez-vous d’un gilet pare-balles pour aller voter
Stupeur en rentrant du boulot mardi soir. J’allume ma télé, le débat de C dans l’air est titré « Terrorisme : ils voulaient frapper la campagne. » La campagne ?! Pour une fois qu’elle est visée, c’est à Jean Lassalle que ça va profiter, lui qui ne jure que par la ruralité. Le criminologue Alain Bauer livre son analyse : « C’est un peu comme le canard. Tout ce qui ressemble à un canard, qui marche comme un canard et qui chante comme un canard doit être un canard. » Quoi ?! Un attentat au canard piégé ? Sans doute porteur du virus de la grippe aviaire.
Je zappe sur BFMTV pour y voir plus clair. « Cette menace terroriste qui a fait irruption dans la campagne présidentielle à cinq jours du premier tour », m’apprend Olivier Truchot. Je m’étais trompé de campagne. En fait, il s’agit de celle dans laquelle l’attentat de Westminster a déjà fait irruption voilà un mois. « On en a assez peu parlé quand même de cette menace terroriste, se plaint le présentateur. On parle de beaucoup de choses mais on parle pas de ça. » « Marine Le Pen en parle… », tente Jean-Sébastien Ferjou, mais Olivier Truchot insiste. « On parle de la Syrie mais on ne parle pas de notre menace sur notre territoire. » Ben oui, notre menace à nous de chez nous, alors ?
L’experte police-justice, Sarah-Lou Cohen, détaille la protection dont bénéficient les candidats à la présidentielle. « Y a les candidats mais y a aussi les votants, s’inquiète Olivier Truchot, on peut pas sécuriser 66 546 bureaux de vote. » « La sécurité va être renforcée, y a un gros dispositif, 50 000 policiers et gendarmes mobilisés. » Le présentateur effectue un rapide calcul : « 50 000 policiers et gendarmes, c’est bien mais enfin il y a plus de 66 000 bureaux de vote. »
« Il y a plus de bureaux de votes que de gendarmes », calcule aussi Bernard Thellier, « ancien négociateur du GIGN ». Ça fait peur. La prudence recommanderait d’installer les bureaux de vote dans les postes de police et les gendarmeries. « Mais ce qui est très important, c’est qu’ils veulent toucher notre démocratie, poursuit l’expert. Donc, un bureau de vote, c’est notre démocratie et on sait très bien qu’ils vont essayer de taper là où ça fait mal… » Non, « ils » ne vont pas faire ça ?! Je crois que je vais choisir l’abstention.
« Il y a une vraie sensibilisation auprès des maires, des assesseurs pour qu’il soient vigilants s’il y a un comportement suspect, essaie de me rassurer Sarah-Lou Cohen. Chaque citoyen peut aussi être une vigie. » Signalez aux autorités tout individu qui pénètre seul dans un isoloir, c’est suspect. D’ailleurs, ne faudrait-il pas supprimer les isoloirs dans les gendarmeries, enfin, les bureaux de vote ? L’idéal serait sans doute d’autoriser les policiers et les gendarmes à vérifier le contenu de chaque enveloppe au cas où elle serait piégée à l’anthrax (ou à la grippe aviaire).
« On sait que l’impact est même plus fort quand on s’en prend à des citoyens lambda », m’épouvante Olivier Truchot, précisant le présage de l’expert. « Y avait un débat sur l’état d’urgence, la question va de nouveau être posée. » De savoir s’il faut le maintenir ou le prolonger. « Ruth Elkrief est sur place au meeting de Besançon, elle nous dira comment Jean-Luc Mélenchon va réagir à cette menace terroriste. » En bon stalinien, il va sûrement promettre d’envoyer tous les fichés S au goulag. En attendant, « François Fillon est en meeting à Lille, on a appris tout à l’heure qu’il refusait de porter un gilet pare-balles ». Il a peur d’être obligé de le rendre ?
Olivier Truchot lance Ruth Elkrief au meeting de Mélenchon : « La question centrale, ce soir, c’est la sécurité du candidat. » Et de ses hologrammes. J’espère qu’ils ont accepté de porter un ectoplasme de gilet pare-balles. « Un attentat a été déjoué, rapporte Ruth Elkrief à Charlotte Girard, coresponsable du projet. Moi, j’ai cherché, j’ai pas trouvé le mot “terrorisme islamiste” dans votre programme. » Euh… Ça fait deux mots. A moins qu’il s’agisse d’un nouveau terme propre à BFMTV, le « terrorismislamiste ». « Que propose Jean-Luc Mélenchon ? Les Français ont besoin d’être rassurés sur cette question. » La plupart ont déjà opté pour l’abstention.
En studio, « Alain Bauer nous a rejoints », pas besoin de le maquiller, C dans l’air s’en était chargé. Dans un souci de pluralisme, l’ancien négociateur du GIGN est relayé par l’ancien négociateur du Raid, Christophe Caupenne. « Alain Bauer, depuis jeudi dernier, Fillon savait mais hier, à Nice, il a refusé de porter un gilet pare-balles. » Il n’accepte de porter que des gilets pare-balles Hermès assortis à ses costumes. « Un candidat peut refuser les préconisations ? Sont-ils vraiment protégés ? Hier, au meeting de Marine Le Pen au Zénith, une Femen est montée sur scène, a frôlé Marine Le Pen. » Ça fait deux tentatives d’attentats en deux jours.
« Avec un armement un peu particulier », s’amuse Alain Bauer. « Un bouquet de fleurs, précise Christophe Caupenne. Si quelqu’un arrive avec quelque chose de pacifique, c’est compliqué de faire la levée de doute ou la discrimination avec une posture suspecte ou une personne suspecte. » Dimanche prochain, méfiez-vous des électeurs venus voter avec un bouquet de fleurs, il pourrait être piégé au glyphosate.
Dominique Rizet, chef du service police-justice, prend du recul. « On a eu récemment une démonstration de ce qui peut se passer quand François Hollande, en déplacement près de Valence, entend un coup de feu d’un gendarme avec une arme longue portée. Dix-sept secondes s’écoulent sans qu’aucun officier de sécurité ne vienne poser son épaule contre la sienne, c’est assez surréaliste. » Dix-sept secondes sans épaule ?! C’est énorme… Sachant qu’une Kalachnikov longue portée tire 650 coups par minute, le gendarme maladroit aurait pu abattre deux bonnes centaines d’innocents… En allant voter, prenez garde aux gestes incontrôlés des gendarmes qui posent leur épaule sur la vôtre.
« Etonnamment, le sujet de la menace du terrorimislamisme n’a été quasiment pas abordé par les onze candidats, s’indigne à nouveau Olivier Truchot. On a beaucoup parlé pendant la primaire de la droite mais là, pas du tout, alors que nous sommes toujours en état d’urgence. » Nos politiques sont des irresponsables. « Le concours du vide », résume Alain Bauer, écœuré. Camille Langlade, du service politique, rappelle opportunément que les médias eux-mêmes, BFMTV en tête, ont surtout parlé des affaires. « Mais les candidats eux-mêmes auraient pu mettre ce sujet sur la table et ils ne l’ont pas fait, rétorque le présentateur. Alain Bauer, ça vous a surpris ? »
« Non, répond l’expert en criminologie aviaire. En 2000, le seul débat Gore-Bush, quelques semaines avant les attentats du 11-Septembre, pas une minute, pas une seconde, pas une question sur le terrorisme. » Je comprends son air blasé : rien n’a changé depuis l’attentat de Westminster quand, face à Ruth Elkrief, Alain Bauer déplorait déjà que Gore et Bush n’avait « pas une seule seconde » évoqué le terrorismislamiste lors de leur débat.
Olivier Truchot lui signifie la faible portée de son argument préféré : « Là, la campagne intervient après, après le Bataclan, après Charlie, après Nice. » « Et c’est pas mieux, convient l’expert. D’ailleurs, la plupart qui disent qu’ils font des propositions soi-disant antiterroristes n’en font aucune. » « C’est-à-dire ? » « Ben en fait y a rien. » Pas une page, pas une ligne, pas un mot sur le terrorismislamisme ? Il faut prévenir Ruth Elkrief.
« A part plus de flics, réformer les services de renseignement, fermer les frontières, expulser les imams…, énumère Alain Bauer… La déchéance de nationalité n’est plus très à la mode… Y a de l’emballage mais pas de contenu. » Pas une seule mesure concrète comme équiper tous les électeurs de gilets pare-balles. « C’est comme si la question avait été zappée faute d’attentats. » Ça rejoint l’analyse d’une éditorialiste sur le même plateau l’autre soir, elle attribuait au manque d’attentats le recul de Marine Le Pen dans les sondages.
Quelqu’un dénonce : « Benoît Hamon est pour la fin de l’état d’urgence », Dominique Rizet s’empresse de préciser que « l’un des deux hommes arrêtés ce matin a fait l’objet d’une perquisition dans le cadre de l’état d’urgence », ce qui prouve bien sa nécessité. « Une info BFMTV, l’interrompt Olivier Truchot, trois kilos de TATP ont été retrouvés. C’est quoi, ça ? » « Tri-acétone-tri-peroxyde, on mélange de l’acétone, de l’eau oxygénée, de l’acide sulfurique, répond le négociateur du Raid, très didactique. C’est une espèce de petite cuisine mais il faut avoir la recette. » Ça y est, on l’a. Manque juste les proportions et le temps de cuisson, j’espère qu’ils les donneront sur leur site.
« Il est facile à confectionner, vous trouvez de l’acétone dans un magasin de bricolage, de l’eau oxygénée dans une pharmacie, poursuit Christophe Caupenne, vraiment très bon pédagogue… Et puis on mélange avec de la nitrocellulose pour faire une espèce de pate. » OK, c’est noté. Je vais m’en confectionner une petite quantité pour aller voter en toute sécurité, on ne sait jamais. « L’allumage se fait avec une pile électrique, un interrupteur et un téléphone portable. » J’ai déjà tout ça, c’est parfait. « Faut connaître la recette de tout ça. » C’est vrai, chacun devrait pouvoir en fabriquer pour assurer son autodéfense. Parce que, cuisiné par des gens mal intentionnés, « c’est un explosif qui est notre pire ennemi. On appelle ça la “merde de Satan”, le TATP, c’est pas pour rien ». C’est que ça doit sentir très mauvais.
Olivier Truchot intervient : « Le procureur Molins s’installe. » C’est l’heure de son meeting, j’espère qu’il a accepté de porter un gilet pare-balles.
« Une action imminente », reprend Olivier Truchot en plateau. « Et je vais employer une expression un peu triviale… » Merde de Satan, bouse de Lucifer ? « … mais qui parlera à tout le monde… » Attentat terrorismislamiste ? « …on a affaire à deux clients sérieux. » Beurk, c’est affreusement trivial. « On a affaire à deux clients très sérieux, renchérit dans la trivialité Dominique Rizet, rappelant quelques éléments biographiques livrés par le procureur avant de se concentrer sur l’essentiel.
« Dans l’appartement, on retrouve un pistolet-mitrailleur UZI 9 mm, vingt cartouches plus un chargeur approvisionné, un 7.65, neuf cartouches dont une chambrée – ça veut dire dans le canon, il suffit d’appuyer –, un Mauser, des munitions, trois kilos de TATP, six litres d’acétone, cinq litres d’oxygène, acide sulfurique, mèche, tenue de chimiste, grenade artisanale de 250 grammes, caméra Go-Pro avec harnais, plan de la ville de Marseille au mur – pour eux, c’est une zone de combat –, des photos d’enfants morts dans des bombardements… Voilà le profil de ces deux hommes. » Aucun bouquet de fleurs, ce n’était donc pas des Femen.
Je zappe sur le JT de France 2 où une téméraire envoyée spéciale parcourt la zone de combat. Elle interroge un témoin sur la ligne de front. « Cette voisine a assisté médusée à la scène. » « Il y avait plusieurs policiers autour de l’individu. » Ah oui, quand même. David Pujadas appelle son envoyé spécial sur un trottoir de Paris, Dominique Verdeilhan : « Sait-on quelle était la cible potentielle des terroristes ? » « Il est encore trop tôt pour le dire. » « Merci pour ces précisions. »
David Pujadas appelle son envoyé spécial au meeting de François Fillon. « L’entourage de François Fillon me l’a confirmé, il a été demandé à François Fillon de porter un gilet pare-balles, un gilet qu’il a d’ailleurs refusé de porter. » Il préfère ceux que lui tricote son attachée parlementaire ?
David Pujadas interroge un journaliste en plateau. « Y a-t-il des mesures de sécurité particulières ? » Guillaume Daret explique la la protection accordée aux candidats par l’Etat, ajoute qu’« Emmanuel Macron a embauché une société de sécurité privée, Marine Le Pen travaille avec le service d’ordre du Front national… » Le fameux DPS, réputé pour son professionnalisme et son intégrité. « … Et son garde du corps qu’on est habitués à voir à ses côtés. » Payé avec des indemnités parlementaires européennes ?
« Et c’est pas que pour de la figuration, cette protection !, se réjouit Guillaume Daret. Regardez pas plus tard qu’hier soir, David, au Zénith, une Femen bondit sur le podium à proximité de Marine Le Pen, les policiers interviennent, son garde du corps est à proximité, on voit donc que c’est très utile. » Ah oui, le bouquet de fleurs est désamorcé avant d’avoir pu exploser. En outre, le DPS a été « très utile » pour repousser les journalistes indésirables avec l’aide de policiers appliquant leurs ordres, comme l’a montré une vidéo du Quotidien de Yann Barthès.
Guillaume Daret revient sur un autre attentat qui a marqué la campagne. « Début avril, François Fillon est enfariné. » Il avait refusé de porter un casque anti-farine. « Très rapidement, sa sécurité personnelle intervient pour maîtriser l’individu. » Très rapidement, c’est vite dit. Appliquant la méthode d’un célèbre criminologue, j’ai compté 5 secondes pendant lesquelles l’individu envoie sa farine sur sa victime. Imaginez, si l’individu avait été porteur d’un tube de ketchup, le costume à 6 000 euros aurait irrémédiablement été taché, François Fillon aurait été contraint de le rendre.
« Y aura-t-il des précautions particulières dimanche autour des bureaux de vote ? », s’enquiert David Pujadas. « Y aura 50 000 policiers et gendarmes pour protéger les 69 000 bureaux de vote. » Aïe, c’est encore pire que sur BFMTV, France 2 a rajouté les milliers de bureaux d’Outre-Mer et de l’étranger mais aucun policier. « Et ensuite, il y a parfois des initiatives locales, par exemple, à Nice, en plus de la police municipale et nationale, Christian Estrosi va annoncer demain que devant chaque bureau de vote, il y aura un agent de sécurité privé payé par la municipalité. » Bonne idée, ça. Je vais immédiatement me faire une procuration à moi-même pour aller voter à Nice, vu les circonstances, ça devrait passer.
« Cette alerte relance la question de la sécurité des meetings, relance David Pujadas. Quelles mesures, quelles fouilles ? » Un reportage dans le « périmètre de sécurité élargi » du meeting de François Fillon à Lille montre des « opposants éloignés », ils étaient armés de casseroles piégées aux perturbateurs endocriniens.
La reporter interroge les spectateurs : « Ça vous rassure, ces contrôles ? » « Ah, très bien ! Très-très bien. » « On est bien surveillés. » Permettez-moi d’en douter. Si j’en crois ma télé, on n’est jamais assez surveillés. Aussi, je préfère assurer moi-même ma sécurité, avec la fameuse recette de TATP de BFMTV. Attention, ils ont dit que le mélange était « extrêmement instable »… J’espère que ça ne va pas faire des grumeaux.
Source:: Le conseil de BFMTV : munissez-vous d’un gilet pare-balles pour aller voter