Le député marseillais Sébastien Delogu suggère de confier la vente de cannabis aux dealers en cas de légalisation
Transformer un trafic aujourd’hui illégal en commerce honnête. Le député LFI de la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône, Sébastien Delogu, a récemment suggéré de confier la vente de cannabis à des dealers condamnés, si le stupéfiant venait à être légalisé.
« Si on demande la légalisation du cannabis et que l’acheminement du cannabis soit bien géré par l’État français, amène à se poser des questions sur les personnes qui ont été pénalisées auparavant, et qu’on leur donne justement la possibilité de vendre et de régir cela. Ça évite en quelque sorte de les renfermer et de les laisser peut-être aller, de vendre, peut-être, une autre drogue », a-t-il expliqué au cours de l’émission d’actualité marseillaise « Où va le monde? » sur l’application Twitch.
La droite dénonce une idée « irresponsable »
Sans surprise, la proposition du député LFI a largement fait réagir, en particulier du côté de la droite marseillaise. Le maire LR des 11e et 12 arrondissements, Sylvain Souvestre, pointe du doigt une suggestion « irresponsable ».
« On ne peut pas mettre en avant des personnes qui ont été condamnées, qui ont enfreint le droit, alors que chacun, tous les Français et toutes les Françaises qui se lèvent tôt pour travailler, sont respectueux du droit commun », estime-t-il au micro de BFM Marseille Provence. « Quand un élu public, qui est élu par les Français, sous-entend cette idée, je pense qu’il devrait y avoir un peu plus de responsabilisation, et peut-être, à terme, aussi réfléchir et ouvrir le débat à la responsabilisation de la parole politique. »
La proposition de Sébastien Delogu fait aussi bondir du côté de la police. « On n’a qu’à aussi demander aux voleurs de voitures d’ouvrir des garages ou des concessions. Ou alors on n’a qu’à demander à des cambrioleurs de devenir brocanteurs et de vendre les produits qu’ils ont volés », ironise-t-il, ajoutant que Sébastien Delogu « devrait orienter ces trafiquants » vers des secteurs professionnels qui recrutent au contraire, comme l’hôtellerie et la restauration.
« Dans le monde idéal de Monsieur Delogu, le dealer est un fonctionnaire honorable. Dans le mien, il a perdu son logement social, il n’a plus le droit de paraître dans le quartier où il dealait, il n’a plus d’allocations et il est en prison », écrit-il sur les réseaux sociaux.
Des élus veulent mettre l’accent sur la prévention
Ce n’est pourtant pas la première fois que l’idée suggérée par Sébastien Delogu est formulée. Antoine Léaument, député NFP-LFI de l’Essonne, rappelait ce jeudi 2 janvier dans l’émission Apolline Matin sur RMC-BFMTV que l’idée avait déjà été abordée par des députés macronistes dans un rapport datant de 2021.
« Qui proposait, si on légalise le cannabis dans un cadre étatique, faire une amnistie des personnes condamnées, soit pour du petit deal, soit de la consommation, pour leur permettre, ils appelaient ça ‘valoriser les compétences’ acquises lors du trafic illégal », explique-t-il.
Le rapport, que le député a partagé sur les réseaux sociaux, mentionne effectivement des actions menées pour « anticiper la réinsertion de petits trafiquants », citant notamment des « programmes » mis en place à Marseille pour « réorienter les compétences de gestion rigoureuses, et particulièrement inventives, acquises dans l’économie illégale ».
« On punit les gens en disant ‘vous êtes des méchants criminels’. (…) Il faut faire réduire la consommation par des politiques de prévention », conclut-il.
Un point également soulevé par Sabrina Agresti-Roubache, conseillère régionale en Provence-Alpes-Côte d’Azur et ancienne secrétaire d’État à la Ville. Elle-même originaire des quartiers Nord de Marseille, elle dit ne pas cautionner la vision des choses de Sébastien Delogu.
« Je ne peux pas entendre qu’un député de la République dise que des dealers, on va en faire des gentils petits commerçants de l’État français. Ça n’existe pas », a-t-elle déclaré ce jeudi sur le plateau de BFMTV.
Mais elle réitère toutefois l’importance de la prévention contre les addictions, une mesure pour laquelle elle s’était battue lors de son passage au gouvernement. « Dans mon portefeuille, j’avais été la seule ministre qui parlait de prévention, de lutte contre les conduites addictives. Parce que dans tout ce qu’il manque, on ne parle pas de prévention », martèle-t-elle.
Jean-Baptiste Moreau, ancien député macroniste, et « rapporteur général de la mission » évoquée par Antoine Léaument, explique être « convaincu par la centaine d’auditions menées de médecins et de policiers et autre, que seule une légalisation encadrée et contrôlée au cannabis par l’État permettrait une réelle lutte contre les trafics et la consommation », précisant que « la politique uniquement prohibitionniste a toujours échoué partout ».
« Quel intérêt » pour les dealers?
Les dealers marseillais, premiers concernés, ne sont pas nécessairement attirés par la proposition de Sébastien Delogu. Rencontrés par BFM Marseille Provence, de jeunes vendeurs de cannabis des quartiers Nord assurent que la mesure serait « impossible » à mettre en place.
« Quel intérêt pour nous? On gagne 200 euros par jour, on s’achète ce qu’on veut, pourquoi est-ce qu’on donnerait cet argent à l’État? (…) Ici on vend de la drogue depuis 1999, on ne pourra pas arrêter tout ça », affirment-ils.
Un argument également avancé par des internautes qui, sur les réseaux sociaux, se montrent sceptiques face à la proposition de Sébastien Delogu. « Est-ce que les dealers sont réceptifs à perdre 75% de leurs revenus? » s’interroge l’un d’entre eux.
Auquel le député Antoine Léaument répond qu’il est une « vue de l’esprit de penser que les ‘dealers’ ont une paye élevée et ‘facile’: la plupart émargent à un taux horaire proche du SMIC. »
Il rappelle également les risques qui accompagnent ce trafic illégal, comme celui d’être arrêté et incarcéré, mais également d’être « battu, torturé, tué » en cas de « faute professionnelle » au sein des réseaux de trafic tels qu’ils existent aujourd’hui.